Le jury et la liberté d’expression. La manifestation démocratique d’une aspiration libérale
L’affaire des caricatures de Mahomet a permis de mesurer, s’il en était besoin, la dimension excessivement délicate, labile voire éthérée des incriminations en matière de presse. À partir de quel moment le rire de certains aux dépens d’un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée est-il injurieux ? Quoiqu’éventuellement déplaisant, ce rire peut-il être regardé « comme participant à la réflexion dans le cadre d’un débat d’idées » ? La première affaire, jugée en pleine campagne pour les élections présidentielles de 2007, avait attiré à la barre des personnalités venant apporter un soutien de principe à la liberté d’expression : Élisabeth Badinter, François Hollande, François Bayrou. Le candidat Nicolas Sarkozy, par ailleurs ministre de l’intérieur, s’était même fendu d’un fax lu à l’audience par l’un des avocats de la défense assénant : « Je tiens à apporter clairement mon soutien à votre journal, qui exprime une vieille tradition française, celle de la satire, de la dérision et de l’insubordination. [...] Je puis tout à fait comprendre que certains dessins incriminés aient pu heurter les convictions religieuses de certains de nos concitoyens musulmans, [...] pour autant, je préfère l’excès de caricature à l’absence de caricature ». Les défenseurs des parties civiles n’avaient pas manqué d’indiquer qu’il ne saurait s’agir d’un témoignage en bonne et due forme et qu’à ce titre il devait être retiré des débats, ce à quoi l’un des avocats de la défense avait volontiers acquiescé en soutenant qu’il n’avait pas lu cette pièce, que le président du tribunal ne l’avait pas entendue, et que la presse n’en ferait pas état.
Sujet de société important, période électorale : cette affaire devait être sans doute jugée par la fameuse 17ème chambre correctionnelle de Paris. Elle n’en était pas moins soumise au tribunal de l’opinion. Et l’irruption impromptue d’un candidat à l’élection présidentielle, hors de toutes les formes procédurales légales, a pu être interprétée comme une volonté de communion avec une opinion publique majoritaire dont la religion était faite, alors qu’une majorité de Français avait estimé, au moment de la publication de ces caricatures un an auparavant, que celle-ci n’était pas souhaitable.
Ce chœur à deux voix dont les pupitres sont le tribunal correctionnel et le « tribunal de l’opinion » est l’objet de cette étude qui porte sur une institution disparue, en catimini, en 1944 et apparue avec le renforcement de la protection de la liberté d’opinion en vertu de la loi de Serre du 9 juin 1819, qui prévoit la compétence de la Cour d’assises en matière de délit commis par voie de presse. Il convient de préciser que les défenseurs du jury, contrairement aux perceptions d’aujourd’hui, ont presque toujours été les libéraux et que ses détracteurs ont toujours été les conservateurs plus ou moins autoritaristes. Le jury avait vocation à traduire sur le plan juridictionnel le concept de tribunal de l’opinion. L’idée étant que la notion de délit de presse est si ténue, qu’il y a si peu de droit et tant de fait, que le peuple, même très ignorant en droit, est capable de juger selon son intime conviction sur une matière essentiellement volatile. Un tribunal arbitraire, incompétent et capricieux sans doute, un tribunal politique peut-être, mais un tribunal à la fois libéral et démocratique. Aujourd’hui, comme pour faire oublier la dimension largement insaisissable de ce type de délit, le droit de la presse s’est réfugié dans une technicité qui est susceptible d’offrir des gages de rationalité et d’objectivité à la matière. Il y est sans doute en partie parvenu. Mais l’on ne saurait faire disparaître ce qui caractérise essentiellement la matière : son extrême évanescence normative et sa puissante charge politique ou sociétale.
Quelques mots de deux affaires anciennes très instructives : l’une concerne des délits de presse, l’autre un délit d’association illégale. Les deux procès résultent d’accusations portées contre des membres de la Société des amis du peuple. Cette association, ardemment républicaine, avait joué un rôle significatif lors de la révolution de 1830 laquelle avait été provoquée par la volonté de Charles X de nier la liberté d’expression, et la liberté de la presse spécialement. Mais tandis qu’une partie des hommes de 1830 se rallie à la solution orléaniste, les amis du peuple restent sur une ligne républicaine.
Républicains et Orléanistes sont alliés dans leur combat face à Charles X en juillet 1830. Un an plus tard, les premiers comparaissent devant des Cours d’assises, accusés par les parquets désignés pas les seconds. De quoi accuse-t-on les Républicains ? Non d’être des opposants politiques mais de commettre des délits de presse : délit d’excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi, de provocation non suivie d’effet de renversement de ce gouvernement, et d’offense envers la personne du roi. Tous sont acquittés par les jurés. Mais, tandis qu’ils assuraient leur propre défense, certains d’entre eux assument leurs propos et les réitèrent : pour ces faits, savoir les propos tenus à l’audience, une juridiction composée des trois magistrats professionnels de la Cour d’assises allégée des jurés populaires les condamne pour les mêmes délits (art. 1er de la loi du 4 mars 1831) que ceux pour lesquels ils ont été acquittés quelques instants auparavant. L’avocat de Raspail le défendra en disant :
« La question actuelle est, pour la presse, une question de vie ou de mort. Un écrivain est traduit devant une Cour d’assises, sous la prévention d’un délit commis par la voie de la presse. Le jury l’acquitte, la Cour le condamne. Le jury l’acquitte, parce que les doctrines qu’il a émises ne lui paraissent pas coupables, ou les intentions pas criminelles ; la Cour le condamne, parce que ces mêmes doctrines qu’il a développées dans sa défense lui paraissent coupables et ses intentions criminelles. Que devient la liberté de presse en présence d’un pareil pouvoir ? Elle meurt devant trois magistrats siégeant en Cour d’assises ! ».
L’enjeu est ici, à certains égards, médiatique : réitérer les propos devant le magistrat était s’assurer une couverture suffisamment large par les journaux de l’époque, malgré le risque encouru. Raspail ira jusqu’à remercier le ministère public de lui donner une occasion de donner quelque publicité à son « système d’économie politique ». L'enjeu est en outre politique : mettre le régime face à ses contradictions. Un régime qui accepte l’idée du jury populaire, conséquence de l’article 69 de la Charte constitutionnelle de 1830, tout en le neutralisant. L’enjeu est enfin juridique : la Cour de cassation peut-elle priver la loi de 1830 sur l’institution du jury de presse, prolongement d’une disposition constitutionnelle, de toute effectivité en s’autorisant à juger en Cour d’assises sans jurés populaires des prévenus pour avoir réitéré à l’audience les propos pour lesquels ils étaient traduits devant la Cour d’assises qui les a acquittés.
Quelques mois plus tard, le 15 décembre 1832, à nouveau devant la Cour d’assises de la Seine, comparaissent dix-neuf prévenus ayant exercé des responsabilités au sein de la Société des amis du peuple. Plusieurs centaines de « titulaires » de la Société – et près de deux mille en comptant les « amis » – se réunissaient régulièrement pour s’occuper d’objets pour le moins politiques au vu et au su de tous, notamment du préfet de police, en louant une vaste salle à Paris. Réunions régulières qui se tenaient sans l’autorisation qu’exige l’article 291 du Code pénal de 1810 pour toute association de plus de 20 personnes, « délit politique » en vertu de la loi de 1830, relevant dès lors du jury de la Cour d’assises. Les prévenus reconnaissent évidemment les faits et se servent à nouveau du procès comme d’une tribune pour défendre la liberté d’expression et pour considérer comme non avenue l’existence même de cet article 291 que la monarchie de Juillet s’est empressée de ne pas abroger. Comme l’année précédente, le jury populaire acquitte des accusés qui ont reconnu et parfaitement assumé les faits. Acquittement en contradiction formelle avec le texte de la loi pénale. Les acquittés n’hésitent pas d’ailleurs à considérer que l’article 291 du Code pénal est « abrogé », et que « le droit d’association est reconnu » car « le pays s’est prononcé ». L’institution du jury populaire capable d’acquitter des individus évidemment coupables en vertu de la loi ordinaire et n’ayant nullement nié les faits pour lesquels ils étaient accusés permettrait ainsi de réaliser un contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois : le jury serait élevé au rang de Cour constitutionnelle chargée de garder les droits fondamentaux des citoyens, dans une logique d’ailleurs assez proche de celle des projets de contrôle « populaire » de constitutionnalité sous la Révolution conformément à la logique défendue par Condorcet qui estime que le peuple doit avoir le droit de réclamer « contre les lois qu’il jugera contraires à sa liberté ».
Ces deux affaires peuvent être lues comme de vibrants plaidoyers contre l’institution du jury en matière de presse. Quelle considération peut-on avoir pour des jurés qui sciemment ignorent les règles de droit qu’ils sont censés faire appliquer en ne se prononçant que sur des faits et non sur le droit ? Il y a lieu en outre de préciser que cette institution a disparu en 1944 parce que le Comité français de la Libération nationale craignait que les jurys fussent trop laxistes ou trop divisés à l’encontre de collaborateurs patentés. N’y a-t-il pas là l’attestation du risque d’une sorte de dérive « populiste », et puissamment anti-libérale, de tout jury de presse ? C’est pourtant ce que ne pensent pas une majorité de défenseurs constants de la liberté de la presse au XIXe siècle. Il faut donc comprendre pourquoi ils considèrent comme si important que les délits de presse soient jugés par des jurys.
Précisons que les sectateurs des jurys de presse se situent sur une voie moyenne – libérale – entre un pôle autoritaire et un pôle ultra-libéral. Les autoritaires qu’ils soient royalistes, bonapartistes ou républicains jugent légitime l’incrimination de délits d’opinion, délits de même nature que les autres en tant qu’ils troublent l’ordre et la paix publique, et qui doivent être jugés par les mêmes juges, à savoir les tribunaux correctionnels. Ceux-là verront leurs vœux régulièrement exhaussés au XIXe siècle, notamment sous la Troisième République lors de l’adoption d’une loi dite « scélérate », celle du 28 juillet 1894 réprimant les « menées anarchistes ». Les ultra-libéraux, quelles que soient leurs préférences politiques, considèrent que la notion de délit par voie de presse ne peut ni ne doit exister. Ce courant est incarné notamment par le grand Émile de Girardin :
« N’admettant pas qu’il y ait des crimes et des délits de la pensée, s’exprimant par la parole, l’écriture ou l’imprimerie, je n’admets pas plus en matière de presse la compétence des jurés que la compétence des juges. Sur ce point, je me sépare complètement de tous les grands orateurs et de tous les publicistes célèbres qui se sont accordés à voir, dans l’application du jury aux prétendus crimes et délits de la pensée imprimée, une garantie pour la presse contre les excès du pouvoir et une garantie pour la société contre les dangers de la presse ».
Tout propos faux ou insultant doit pouvoir être proféré et diffusé : seule la vérité sera en mesure de le combattre efficacement, combat conduit par l’argumentation. Quant au préjudice – car il n’est pas nié – il ressortit au registre du droit civil, non du droit pénal. La position moyenne, celle qui consiste, d’une part, à refuser d’assimiler le délit d’opinion à un autre délit et à refuser, partant, la juridiction correctionnelle ordinaire et, d’autre part, à rejeter, symétriquement, toute idée de délit et, partant, toute juridiction quelle qu’elle soit, est la position démocrate et libérale qui traverse le XIXe siècle : il existe bien des délits mais leur caractère étant spécial, il convient que les auteurs de ces délits soient également traduits devant une juridiction spéciale, la Cour d’assises, tribunal populaire s’il en est.
Le jury traduit une double exigence : démocratique et libérale.
L’exigence démocratique consiste à prendre en considération la dimension éminemment fragile des délits de presse. Parce que les faits délictueux sont des écrits, des paroles, des objets de l’esprit, puisque leur nocuité dépend de perceptions subjectives, d’intimes convictions, il n’est pas nécessaire que des magistrats professionnels les qualifient. Le peuple, incarné par les jurés, en est très capable.
L’exigence libérale consiste à souligner que si les délits commis par voie de presse sont éminemment politiques, ils le sont surtout parce qu’ils consistent à juger, à critiquer, à imaginer la vie politique, les institutions, les orientations de la société. Ils sont par nature un regard que porte la société sur ses gouvernants actuels et, si ces gouvernants sont ses représentants, il ne leur appartient pas de tracer la limite entre ce qui est admissible ou non, c’est bien à la société elle-même de le faire. Par conséquent, le jury, émanation directe de la société, doit être le seul juge de ce qui constitue un outrage, une insulte, une offense ou une incitation quelconque à commettre tel crime ou délit. Il faut rappeler que les magistrats sont regardés au XIXe siècle comme des agents du pouvoir, certes moins dépendants que les agents des autres administrations, mais suffisamment liés à cause notamment du serment de fidélité qu’ils doivent prêter à leur entrée en charge et lors de changements de régime. En arrière-plan, se déploie une logique, profondément libérale, d’autonomie de la société et de légitime défiance envers l’État : la liberté de critiquer l’État sans être jugé par l’État incarné par ses juges. À l’objection selon laquelle la liberté dont dispose la société de critiquer l’État ne devrait pas davantage être jugée par elle-même, l’on répond que les rapports entre l’État et la société ne sont nullement d’égalité et pas davantage d’altérité, l’État n’est qu’une émanation de la société. En tout état de cause, les compétences sont partagées : à l’État, via ses représentants, les définitions des délits commis par voie de presse, à la société, la qualification des faits.
Enfin, le jury en matière de presse fait figure de vigie de la protection de l’ensemble des libertés au XIXe siècle. Les trois moyens inventés au moment de la Révolution pour garantir les libertés – la vertu du législateur, la séparation des pouvoirs et la résistance à l’oppression – apparaissent insuffisants. En effet, aucun de ceux-ci ne permet de penser une société autonome et en éveil permanent pour opposer une véritable digue à l’État. Et l’on ne songe pas encore au moyen qui est privilégié aujourd’hui, à savoir un État de droit gardé par des juges indépendants et impartiaux. Mais deux moyens nouveaux se font jour au XIXe siècle pour garantir les autres libertés : la liberté de la presse conçue comme un moyen privilégié d’autonomie, d’éducation, d’alerte et de contrôle de la société contre l’État, d’une part, la liberté d’association dans ses différentes formes (professionnelle, culturelle et cultuelle) d’autre part. S’agissant de la première – la liberté de la presse – elle est elle-même assurée par le jury qui apparaît comme une « garantie de la garantie » des autres libertés.
Il ne faut toutefois pas voir dans la promotion du jury en matière de presse une quelconque préfiguration de la doctrine de la défense des droits fondamentaux par le juge. Au contraire, si l’on accorde sa confiance au jury, c’est précisément, comme sous la Révolution, parce qu’on ne fait pas totalement confiance au juge, surtout dans des matières peu balisées par le droit et saturées par les faits, et parce qu’il constitue une manifestation démocratique d’une aspiration libérale. C’est pourquoi le jury en matière de presse est regardé comme le tribunal de l’intime conviction démocratique (I) mais aussi comme le tribunal libéral de la société autonome (II).
I. Le jury, tribunal de l’intime conviction démocratique
En matière de presse, il est très difficile de faire du droit car les infractions tendent à être absorbées par le fait. Dans ces conditions, confier aux jurys le soin de se prononcer sur les délits commis par voie de presse présente deux avantages. Primo, cela neutralise les éventuelles suspicions du peuple. En effet, si le peuple commet des erreurs, il ne peut s’en plaindre car il ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. Secundo, cela préserve l’autorité des magistrats professionnels. En effet, les attaques des journaux contre les jugements rendus par des jurys ne troubleront pas l’institution judiciaire. Dans ces matières où le préjugé est particulièrement présent et le délit largement insaisissable, le sentiment de l’erreur doit être compensé par la conviction Vox populi, vox dei.
1. La mobilité du délit et du jury
Dans un discours prononcé le 25 août 1835 à la suite de l’attentat perpétré par Fieschi contre Louis-Philippe, qui en réchappera mais qui fera une quinzaine de morts, Royer-Collard soutient que « le bien et le mal de la presse sont inséparables ; il n’y a pas de liberté sans quelque licence ; le délit échappe à la définition, l’interprétation reste arbitraire ». L’extrême fragilité du délit de presse concerne le législateur qui peine à enfermer telle faute dans un texte précis – l’injure, la diffamation, la calomnie, l’outrage, la provocation, etc. – qu’elle touche un individu, une communauté ou l’ensemble de la communauté politique. Mais elle concerne aussi le juge qui cherchera à faire entrer telle formule littéraire, drôle, outrancière, satirique ou simplement ratée à l’intérieur des rets de telle incrimination. C’est pourquoi, les libéraux du XIXe siècle, dont Royer-Collard est parfaitement représentatif ici peuvent considérer que le délit par voie de presse est radicalement inconstant car « ce qui est un délit dans un temps ne l’est pas dans un autre ». Dans ces conditions, puisque « les jugements de presse sont arbitraires, ils ne doivent pas être confiés à un tribunal permanent » d’une part, si les délits de presse sont mobiles, ils réclament un « tribunal également mobile » d’autre part.
Le jury est instable dans sa composition, il est sans mémoire, sans engagement, sans précédent, sans jurisprudence. Dans sa comparaison entre les différents types de régimes et, partant, les différents types de juge, Montesquieu estimait que le jugement par jury n’était pas nuisible lorsque la loi était faite par deux chambres et sanctionnée par le roi, comme c'est le cas dans le régime anglais : avec une telle loi, il ne fallait au juge « que des yeux », c’est-à-dire ne juger que du fait, et pour ce faire, un jury pouvait convenir aisément. En revanche, lorsque le roi cumule les pouvoirs exécutif et législatif, comme dans la monarchie du XVIIIe siècle, il importe que les juges soient permanents, qu’ils aient des précédents, une compétence professionnelle, car, la loi n’étant pas édictée de manière libre, à cause de la confusion des pouvoirs, la liberté viendra de la digue opposée par le juge à la puissance royale. La justification du jury n’est pas de même nature dans le régime anglais que pour les libéraux en matière de presse. En effet, il y a dans l’esprit de Montesquieu l’idée que la liberté peut être garantie par la loi et non contre la loi, une loi idoine parce qu’elle aurait été faite de manière telle que le pouvoir arrête le pouvoir. Mais telle n’est pas la justification du jury en matière de presse car, dans cette matière, la loi est loin d’être parfaite. C’est précisément à cause de la fragilité des incriminations qu’un jury commettra une faute excusable en commettant ce qui sera regardé comme une erreur, erreur qui serait très grave si elle était commise par des juges professionnels.
C’est l’opinion que défend, à la suite de beaucoup d’autres, Édouard Laferrière, sous le Second Empire, un régime auquel il s’oppose avec véhémence. Selon ce dernier, l’attribution des procès de presse à des magistrats professionnels est contraire à leurs « véritables intérêts » car cela « fausse et dénature leur mission ». En effet, « on force un tribunal à prononcer en dehors de toutes les habitudes judiciaires, sans définition précise, sans corps du délit, sans témoignages ni constatations matérielles ». Compte tenu du caractère largement insaisissable des délits de presse, les doctes magistrats ne peuvent pas véritablement faire leur métier, qui est celui de juristes qui qualifient juridiquement des faits. Or en la matière, les faits sont peu identifiables, et il est malaisé de les qualifier faute de définitions précises. En réalité, le procès de presse consiste à interroger « l’opinion du juge » au lieu d’interroger « la loi », et dès lors, le magistrat professionnel, fatalement, « méconnaît son ministère » : « on rabaisse le juge au niveau d’un censeur », c’est-à-dire celui qui décide du bien et du mal. Et Laferrière d’ajouter que des magistrats, « émus de ces périls », déclinent cette compétence.
Cette répugnance que peut ou doit avoir le magistrat professionnel résulte d’une sorte de « théorie des apparences » avant la lettre, dans la logique de l’adage anglais « Justice must not only be done, it must be seen to be done » : quand bien même un juge serait-il parfaitement honnête, indépendant et impartial parce qu’inamovible, pèsera sur lui le soupçon, quand le pouvoir sera intéressé à la cause, de complaisance envers lui. Chassan assure en 1838 : « Que serait-ce si la magistrature avait dans ses attributions les délits politiques et ceux de la presse ! Elle aurait beau rendre les décisions les plus éclairées, les plus libérales et les plus justes, elle passerait toujours pour n’être qu’un instrument de domination, instrumentum regni ». On peut avoir raison juridiquement et tort aux yeux de l’opinion, mais en la matière, disent ces libéraux, la vérité juridique est trop chétive face à la puissance sans doute parfois rustre de l’opinion, il faut donc lui laisser le soin de juger par elle-même.
2. L’arbitraire du jugement de l’opinion
Le concept d’arbitraire est profondément ambivalent : quand il signifie ignorance des lois et caprice, il est odieux ; quand il signifie sage arbitrage résultant d’une délibération, il est heureux. Puisqu’il est impossible d’empêcher l’arbitraire, il faut faire en sorte de le rendre bon en le confiant à celui qui a le droit de l’être : le peuple. Un peuple qui n’est pas nécessairement emporté, un peuple qui est capable, malgré l’arbitraire, de modération.
Or l’arbitraire qui est en cause n’est autre que la liberté des opinions des citoyens, opinions sur des questions de société, de mœurs, de religion, opinions politiques lato sensu ou stricto sensu. Décider s’il y a injure, diffamation ou offense, pour les libéraux du XIXe siècle, contient une part irréductible de subjectivité qui ne peut être niée mais qui peut être canalisée et dont les effets néfastes peuvent être neutralisés. Canalisation et neutralisation qui se réalisent par l’intersubjectivité des membres des jurys. Pour Laferrière, « le jury représentera toujours une doctrine mixte, une opinion politique moyenne » parce que ceux qui s’opposent s’annulent au moment de décider. Et cela d’autant que le prévenu comme le ministère public ont toujours la possibilité de récuser ceux des jurés qui pourraient être soupçonnés d’amitié excessive ou d’inimitié démesurée pour telle thèse ou telle autre. Bref, ce mécanisme a un effet inéluctablement centripète de sorte que, malgré la fatalité des différences d’opinion, l’intersubjectivité ne sera pas incompatible avec l’apparence de l’impartialité, condition essentielle de la véritable impartialité.
L’arbitraire véhicule également l’idée de volatilité, de versatilité, d’instabilité. Ce sont des choses qui dans nombre de matières juridiques sont éminemment nuisibles. Pour des questions de sécurité juridique, la loi ne doit pas changer trop souvent et la jurisprudence virer continuellement. Mais cette instabilité que permet l’arbitraire du jury est tournée en avantage quand il s’agit de presse. En effet, l’opinion change rapidement et tel propos ou telle allégation qui semblait inacceptable à un moment donné paraît pouvoir être publiée très peu de temps plus tard. Et cette immédiateté à la sensibilité du peuple est parfaitement donnée par le jury. Le juré appartient au peuple, il s’en arrache l’instant du procès et y disparaît à nouveau l’instant suivant : cette extrême proximité avec le ressenti populaire lui procure une sorte de bon sens et lui assure une légitimité incomparable. La somme des jurés est donc capable de percevoir où doit cesser la caricature, où commence l’insulte, où le ton d’un article verse dans la calomnie.
En définitive, les jurés ont les vertus inverses de celles des magistrats professionnels : ils usent de leurs sentiments plus que de leur raison, ils assument leur subjectivité plutôt que de la combattre, ils sont par définition inexpérimentés au lieu d’être de doctes sages nourris de leur pratique éprouvée. Lors de la discussion de la loi de 1881, à la chambre des députés, Cunéo d’Ornano affirme qu’en « matière de liberté de la presse tout est dans le juge ; le délit de presse est un délit d’opinion, délit essentiellement mobile comme elle, délit qui peut avoir sa gravité aujourd’hui, et qui demain peut ne présenter aucun péril. Il faut donc, pour frapper ces délits essentiellement mobiles de la plume ou de la parole, une juridiction mobile comme l’opinion elle-même, une juridiction qui sorte incessamment du peuple et qui y rentre, reflétant ainsi les impressions diverses de l’opinion publique », donc le jury. Cette juridiction particulière ressemble d’ailleurs si peu aux autres juridictions que Royer-Collard lui déniait en 1835 le qualificatif : « Le jury, Messieurs, ce n’est pas une de ces juridictions vulgaires […], ce n’est pas même une juridiction. C’est une institution politique, c’est comme vous, et au même degré de souveraineté, le pays lui-même ».
En définitive, on considère au XIXe siècle que les procès relatifs à la presse sont des procès politiques, de même que l’on aurait considéré qu’apprécier la validité d’une loi au regard d’une disposition ou d’un principe constitutionnel est une activité politique, raison pour laquelle, à l’exception de deux affaires très particulières en 1851, les juridictions ordinaires s’abstiennent absolument de vérifier leur constitutionnalité, même quand un organe n’est pas spécialement chargé de cette tâche. Il est d’ailleurs très symptomatique de voir les prévenus de la Société des amis du peuple scander triomphalement, après leur acquittement, que l’article 291, inconstitutionnel à leurs yeux, avait été abrogé par la décision de ce jury. Il faut dire que la constitution est loin d’être regardée comme une norme au XIXe siècle, elle est considérée comme une mécanique politique dont le but est de produire de la liberté. Cette mécanique repose sur deux piliers, d’un côté une répartition des fonctions entre les organes, d’un autre côté, un regard de la société sur ceux qui la gouvernent, par le vote mais aussi par la liberté d’expression. Ce regard critique de la société est directement garanti par la presse, et la liberté de la presse est garantie par le jury de sorte que, par transitivité, la liberté de critique dont jouit la société vis-à-vis du pouvoir est garantie par le jury. C’est en cela qu’il est une institution démocratique mais aussi libérale.
II. Le jury, tribunal libéral de la société autonome
En cassant les corps intermédiaires, la Révolution a voulu qu’il n’y eût rien entre l’État et le citoyen. Mais ce vide était présenté en réalité comme un plein car les sujets, en devenant citoyens, prenaient le contrôle de l’État et se donnaient leur propre loi, expression de la volonté générale. La légitime défiance envers l’État cessait d’être justifiée car elle eût été une défiance contre soi-même. C’est pourtant en réalisant cette promesse, pensent les libéraux, que la société s’est trouvée atomisée en une multitude d’individus isolés et impuissants face à un pouvoir confisqué et à une administration envahissante. Il faut donc que la société puisse conquérir son autonomie et dresser une digue contre un État par nature insatiable. Cette autonomie sera conquise grâce à une presse libre, dont les excès éventuels ne sauraient être jugés par des agents de l’État mais par les membres de la société elle-même, à savoir des jurés. De surcroît, cette presse nourrie par les journalistes et les écrivains en situation d’extériorité par rapport à l’État ne peut ni ne doit être jugée par ses agents qui se retrouveraient en situation d’être juge et partie, ces gens de plume doivent être jugés au contraire par le jury qui est un juge de « pairs » dans l’esprit d’une juridiction disciplinaire.
1. La légitime défiance envers l’État
L’idée que la société est capable d’évaluer elle-même ce que le pouvoir doit accepter d’entendre repose sur cette conviction profondément libérale – et si peu dans la tradition française – d’une défiance envers l’État permanente, naturelle et salutaire. Si l’on ne laisse pas à la société ce soin, l’État refusera tôt ou tard d’entendre les critiques pour se réfugier dans une forme politiquement funeste d’autisme.
Pourtant, dans les hypothèses où un journaliste dénonce un ministre ou un fonctionnaire, il n’y a guère de bonne solution. Soit le journaliste est justiciable du tribunal correctionnel, et le tiers n’est pas véritablement neutre et impartial car le juge professionnel est regardé comme un agent de l’État dépendant. Soit le journaliste est justiciable devant un jury, mais le tiers n’est pas nécessairement davantage neutre et impartial car il est clairement du côté de la société. Mais si les deux solutions sont imparfaites, la seconde l’est moins que la première.
Pour défendre un tel point de vue, Laboulaye évoque l’injure ou la calomnie d’un particulier : dans cette hypothèse, la société « n’a d’autre intérêt que le maintien de la paix publique », et la société est, en pareil cas, « parfaitement représentée par les juges correctionnels ». Mais les journaux, ajoute Laboulaye, attaquent rarement de simples particuliers. Lorsqu’ils dénoncent un ministre ou un fonctionnaire, ils leur reprochent de violer les lois, et dans cette hypothèse la « société est partie ». Dans ce procès à « trois engagés, qui jugera ? ». Le jury, répond Laboulaye, car les tribunaux ordinaires « ne sont pas faits pour juger entre la société et le gouvernement, car ils se trouveront supérieurs à tous les deux ». La société elle-même est engagée dans les procès de presse car il n’est pas seulement question de paix publique, mais de la « pensée » et de la « vie de ses membres », choses ou intérêts qu’elle ne saurait confier à d’autres qu’elle. Qu’un innocent – journaliste ou écrivain – soit condamné, ce n’est pas seulement la victime qui en souffrira, mais la société tout entière : c’est pourquoi elle « se réserve de pareils jugements et intervient par jury ». Au fond, Laboulaye assume implicitement préférer la partialité de la société à travers le jury plutôt que celle du pouvoir à travers les juges processionnels. Il ne saurait y avoir véritablement de rapport d’égalité entre l’État et la société, le premier étant toujours au service de la seconde dans la logique libérale. Il est préférable de laisser la société – qui ne dispose pas du pouvoir de coercition – décider de ce qui peut être dit ou écrit à propos du pouvoir plutôt que de l’abandonner à ce même pouvoir. Pour Beaussire, « l’État serait […] juge et partie s’il devait faire juger par les organes de la loi les attentats contre sa sécurité. Puisqu’il est le plaignant, il faut qu’il trouve des juges étrangers à son action, intéressés comme lui à l’ordre social, mais n’apportant dans la balance que le poids d’une conscience droite ».
On a donc ici affaire à une exception au principe en vertu duquel les hommes renoncent par le contrat social à se faire justice eux-mêmes, car, précisément, ils n’y renoncent pas en matière d’opinion. En effet, ce à quoi les hommes renoncent par le contrat social, c’est l’usage de la violence physique pour se faire justice eux-mêmes, non l’usage de l’argumentation et de l’expression d’une pensée ou d’une opinion. Sans doute, ceux qui sont soupçonnés de délits de presse sont-ils précisément ceux qui vont au-delà de la simple argumentation et de l’expression d’une opinion en portant atteinte à la considération d’un individu ou à la sécurité de l’État, mais le départ entre les deux doit être fixé par la société elle-même dans un esprit de défiance envers l’État. Comme l’explique Beaussire, autant il est juste que l’État dispose du monopole de la violence légitime, autant il est très légitime qu’il ne dispose pas du monopole de l’opinion ou de la vérité. Car pour exprimer une opinion, il suffit d’user des armes pacifiques de la persuasion, non de celles de la coercition. Si ceux qui détiennent le monopole de la coercition entendent se doter de celui de la persuasion, la liberté est perdue.
Le jury de presse s’analyse donc comme une préférence et une restriction. 1/ Entre le gouvernement et la société, il est impossible de trouver un tiers neutre pour les départager. Soit le gouvernement, comme plaignant contre le journaliste ou l’écrivain, est juge et partie, soit la société à travers le jury a ces mêmes caractères. Les libéraux du XIXe siècle préfèrent nettement la seconde branche de l’alternative parce que la partialité éventuelle de la société en la matière est moins toxique que celle du pouvoir. Cela s’explique en partie par la restriction qui suit. 2/ Les théories contractualistes reposent sur un abandon du droit naturel de se faire justice soi-même, sauf hypothèse de la résistance à l’oppression. Abandon qui de manière symptomatique n’est pas entier quand il s’agit de juger un crime pouvant conduire à la peine capitale ou de juger si une opinion est un délit. Dans les deux cas, on mesure que la délégation aux pouvoirs constitués est délicate et paradoxale et qu’une sorte de surveillance permanente peut s’avérer précieuse : l’abandon par l’individu de son droit de se faire justice est réel, à condition que cela ne soit pas au profit du pouvoir étatique mais du pouvoir social. Cette préférence et cette restriction manifestent nettement l’ancrage du jury dans le libéralisme conçu comme défiance envers l’État.
2. Le jury et la discipline de l’écrivain
La soustraction des écrivains et journalistes aux juridictions correctionnelles repose sur cette conviction que les jurés peuvent les juger car ils sont leurs pairs. Mais cette notion de pairs peut être envisagée de deux manières. Soit l’on considère que tous les citoyens sont des journalistes et des écrivains potentiels ou que les lecteurs et les auteurs forment un même corps, et le jury tiré au sort convient. Soit l’on estime que les journalistes et les écrivains sont des professionnels et que c’est au sein de cette confrérie que doivent être recrutés les jurés dans une logique de juridiction ordinale.
La première approche est la plus répandue. Le procureur Borely estime que le jury « juge d’après les idées et les sentiments qu’il a puisés dans la foule dont il est sorti momentanément pour y rentrer bientôt et toujours ». Dès lors, « son jugement n’est que l’écho de l’opinion publique, le reflet du sentiment populaire, l’expression des intérêts, des besoins, et, si l’on veut, des préjugés de tous, préjugés qu’il faut comprendre, qu’il faut savoir respecter ». Ces sentiments et préjugés sont ceux de lecteurs moyens et d’auteurs potentiels capables de savoir empiriquement jusqu’où peut et doit aller la liberté de celui qui écrit. Borely ajoute une remarque : ces préjugés du peuple, « il faut [les] comprendre », « savoir [les] respecter », ils sont « souvent utiles, quelquefois vrais sous le rapport pratique, quoiqu’ils ne puissent pas être entièrement conformes à la vérité abstraite et absolue ». Cette dimension « pratique » est essentielle pour penser le délit commis par voie de presse car la vérité en la matière ne se conçoit qu’in concreto. Le plus souvent, il est très difficile de démontrer par des arguments rationnels que telle phrase est injurieuse, diffamatoire ou de nature à inciter à la violence, en revanche, on peut en avoir une idée plus éprouvée que prouvée, une certitude « pratique » et « empirique » de laquelle naît cette sagesse particulière du jury populaire. Ainsi, le jury est capable de discipliner ou d’obliger les journalistes à s’auto-discipliner et dès lors rentre tangible l’auto-nomie de la société civile. Le jury est « la voix de la conscience publique, la manifestation de l’opinion populaire sujette à l’erreur, il est vrai, mais ne pouvant être altérée par des influences corruptrices ». Cette notion de conscience est essentielle car elle traduit le sentiment intérieur que la société a du bien et du mal à l’égard de l’écrivain, et l’idée de l’accès par ce moyen à une vérité, qui est la vérité sociale de l’acceptable à un moment donné.
Cette idée d’autodiscipline est très présente également chez ceux qui pensent que la corporation ou la confrérie des journalistes et des écrivains doit faire jaillir de son sein ceux qui sanctionneront les écarts de conduite. Lors des débats de 1848 qui précèdent les lois des 9 et 11 août sur la liberté de la presse, le député et journaliste républicain Anthony Thouret, plusieurs fois incarcéré pour délit de presse sous Juillet, a cette formule : « pour respecter une liberté, il faut la rendre respectable ». C’est pourquoi, à l’image des « corps les plus honorables » – le barreau, le notariat, la magistrature – qui se disciplinent eux-mêmes « avec un calme et un silence qui attestent la puissance et la dignité de leur discipline », Thouret plaide pour un « jury d’honneur ». Il s’agirait d’un « grand jury de la pensée » comprenant des représentants du monde du journalisme et de la littérature. Il lui appartiendrait de rappeler « à l’ordre et à la dignité tout écrivain qui, sortant des limites de la discussion la plus large, donne à la pensée une forme méprisable par le mensonge et la calomnie, insurrectionnelle par l’appel à la révolte, anti-française par l’insulte et l’outrage ». Ce jury conçu dans une logique ordinale est une sorte de gardien de la déontologie des professionnels de la pensée. À nouveau, l’idée d’autonomie de la société, ici d’autonomie d’une profession, permet de laisser l’État et ses institutions propres à l’écart dans la plus pure tradition libérale. L’État a légitimement le pouvoir sur les corps mais il ne saurait l’avoir sur les esprits. Thouret le résume ainsi : « Tout ce système est renfermé dans deux principes : tous les écrivains doivent être jugés par leurs pairs, la pensée doit seule régir la pensée ».
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La défiance à l’égard des juges professionnels a disparu à la faveur de la promotion de l’État de droit. La confiance à l’égard des jurés populaires a laissé place au soupçon de populisme. Et le droit de la presse s’est transformé en une matière extrêmement technique et complexe comme pour faire oublier son caractère éminemment fragile, labile et politique (au sens de « sociétale »). Mais ces spécificités n’ont pas disparu. Et la confiance recouvrée dans le juge professionnel ne doit pas faire oublier que le meilleur moyen de protéger la liberté de la presse, c’est encore de s’en servir en combattant ceux auxquels on s’oppose, non avec des armes légales devant les tribunaux, mais avec des armes intellectuelles en noircissant les colonnes des journaux.
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