Le débat sur le juspositivisme entre Joseph Raz et Robert Alexy
Joseph Raz a défendu dans de nombreuses occasions sa thèse sur ce qui fait la validité du droit, contre des théories concurrentes, notamment contre la thèse dworkienne des critères qui décident de ce qui fait que les propositions de droit sont valides, ou encore contre les thèses du positivisme juridique inclusif qu’il appelle les thèses de l’« incorporation », qui défendent l’idée que des principes moraux peuvent être des éléments décisifs dans les sources du droit. Dans « The Argument from Justice, or How Not to Reply to Legal Positivism », en réponse à la thèse de l’incorporation de la morale dans le droit au nom de la thèse non positiviste défendue par Robert Alexy dans The Argument From Injustice. A Reply to Legal Positivism, son argumentation prend une forme un peu différente. Au-delà de la contestation des arguments d’Alexy contre le juspositivisme, Raz veut mettre en évidence, c’est le sens le plus profond de son texte, la nécessaire relativisation de la controverse entre juspositivisme et jusnaturalisme et montrer le risque d’affaiblir la signification des controverses sur la nature du droit à vouloir les ramener au clivage entre le juspositivisme et le jusnaturalisme. Il souhaite contribuer à délimiter le sens limité de la thèse philosophique du juspositivisme. Ce n’était pas l’objet de cet article pour Raz de rappeler précisément et longuement les bases théoriques de sa propre théorie du droit avant d’affaiblir une théorie concurrente. Naturellement, sa doctrine du droit est présente, surtout en creux, et elle éclaire ses arguments. L’ouvrage d’Alexy, cible de l’article de Raz, ne comportait d’ailleurs aucune analyse critique des thèses de Raz à laquelle il aurait fallu répondre.
C’est bien dans un ouvrage consacré à la philosophie du droit de Robert Alexy Law, Rights and Discourse. The Legal Philosophy of Robert Alexy qu’est publié l’article de Raz qui forme, avec la réponse de Robert Alexy, la première partie de l’ouvrage sous le titre Debate on Legal Positivism. Ce débat avait été préparé ou précédé ou annoncé dès le congrès de l’IVR en 2005 et de nombreuses références y ont été faites depuis.
Si l’article de Raz s’ouvre sur une section relative à l’identification du positivisme juridique (Identifying legal positivism) (I), c’est pour montrer la nécessaire relativisation du clivage entre juspositivisme et non-positivisme juridique lorsqu’il est question de la théorie de la nature du droit (II). Il lui reste alors à montrer contre les arguments d’Alexy que c’est bien sa propre théorie sur la nature du droit qui rend compte de la façon la plus sûre d’une analyse de l’argumentation et du raisonnement juridiques (III).
I. L’identification du juspositivisme
Alexy identifie le juspositivisme avec la thèse dite de la séparation du droit et de la morale comprise elle-même, tant dans son livre The Argument from Injustice que dans sa réplique à l’article de Raz, de façon large, de la façon suivante :
All positivistic theories defend the separation thesis, which says that the concept of law is to be defined such that no moral elements are included. The separation thesis presupposes that there is no conceptually necessary connexion between law and morality, between the law as it is and the law as it ought to be.
Raz ne peut accepter cette approche très large de la thèse de la séparation qui divise ainsi le juspositivisme et le jusnaturalisme. Elle est pour lui à la fois erronée en tant qu’elle vient vouloir décrire ce clivage et elle n’est pas adaptée à sa théorie du droit (A). La réponse d’Alexy, qui ne saisit malheureusement pas toute la mesure de la philosophie du droit de Raz, garde son importance (B).
A. Les clarifications de Raz
Si l’on suit la présentation que donne Alexy de la thèse de la séparation, on y trouve, relève Raz, deux thèses différentes (qu’Alexy semble donc confondre), la thèse selon laquelle le concept de droit ne pourrait pas être défini sans faire recours à des éléments d’ordre moral et la thèse de la nécessaire absence de connexion conceptuelle entre le droit et la morale. Aucune de ces deux thèses ne permet d’identifier le positivisme juridique (a) et (b). S’il peut exister une thèse de la séparation autour de laquelle peuvent se retrouver les théories dans la tradition du positivisme juridique, ce ne sont pas les interprétations d’Alexy qu’il faut retenir, mais une définition beaucoup plus limitée et plus stricte de la thèse de la séparation que l’on trouve éclairée par le développement considérable qu’a connu dans le monde anglophone la théorie du droit de tradition juspositiviste depuis Hart (c).
a) Tout d’abord, la thèse de la séparation, pour reprendre une des expressions par laquelle Alexy présente cette thèse, pourrait vouloir dire que le concept de droit doit être défini de telle sorte qu’aucun concept moral ne puisse être utilisé ou inclus dans sa définition. C’est une thèse selon laquelle aucun concept d’ordre moral ni évaluatif ne pourrait jouer un rôle dans la définition du droit.
Raz souligne alors qu’il est hautement discutable que cela puisse être le cas, car il est discutable que l’on puisse isoler les concepts moraux dès lors qu’il y a quelques difficultés à démarquer, à séparer, le champ de la morale, pour distinguer entre ce champ et des domaines non moraux, et alors même que de nombreux concepts normatifs ou évaluatifs sont communs au droit et à la morale, tels que les concepts de raisons, devoir, droits, vertu, règles, lois. Ainsi, on voit assez mal ce qui pourrait être gagné à essayer d’identifier quelques concepts qui seraient spécifiquement moraux et qu’il faudrait exclure de l’analyse conceptuelle du droit. Cela ne pourrait en tout cas pas s’appliquer au juspositivisme de Raz, qui rappelle que sa thèse principale sur la nature du droit, selon laquelle le droit prétend à une autorité légitime, est une thèse qui fait état d’un concept d’ordre moral, en l’espèce le concept d’« autorité légitime ». En tout état de cause, Raz souligne qu’il n’a jamais cherché à définir le concept de droit, car il n’y a pas d’intérêt à chercher à se concentrer sur la recherche d’une telle définition – comme Hart l’a montré – en visant à établir les critères nécessaires et suffisants du droit. Il est beaucoup plus utile à la théorie du droit de chercher quels sont les éléments les plus saillants et les plus caractéristiques du droit.
Naturellement, on pourrait alors dire que la théorie de Raz n’appartient pas au juspositivisme. Mais Raz remarque qu’il ne connaît personne qui puisse penser que le fait qu’une théorie sur la nature du droit comporte des thèses qui feraient usage de concepts moraux montrerait qu’elle n’appartient pas à la tradition du positivisme juridique.
b) D’ailleurs, poursuit Raz, Alexy lui-même n’entend sans doute pas la théorie de la séparation du droit et de la morale comme signifiant que la définition du droit ne puisse contenir aucun concept d’ordre moral, puisqu’il croit aussi que la thèse de la séparation présuppose qu’il n’y ait aucune connexion nécessaire entre le droit et la morale, alors que la proposition selon laquelle la définition du droit ne contient aucun élément d’ordre moral et peut ainsi être décrit sans l’utilisation de concepts d’ordre moral ne présuppose pas qu’il n’y a pas de connexions conceptuelles nécessaires entre le droit et la morale. Même si toutes les caractéristiques essentielles du droit, en effet, peuvent être énoncées sans l’utilisation de concepts d’ordre moral, il se peut qu’il y ait malgré tout des caractéristiques du droit qui impliquent certains mérites du point de vue de la morale. Raz évoque, pour illustrer ce point, les théories de Lon Fuller et de John Finnis, des auteurs qui, du point de vue d’Alexy, pourraient être considérés aussi bien comme des juspositivistes (ils n’utilisent pas de concepts moraux pour définir le droit) que comme des jusnaturalistes (puisqu’ils considèrent que des caractères essentiels du droit, notamment le fait que le droit statutaire procède par l’intermédiaire de règles générales, limitent nécessairement l’arbitraire).
Il y a ainsi bien des connexions nécessaires entre le droit et la morale que les positivistes n’ont aucune raison de nier et qui n’invalident rien de ce qui est défendu dans la tradition du positivisme juridique.
c) Aucun de ces points ne définit donc le juspositivisme. Si les théories classées comme juspositivistes se comprennent dans un cadre de référence et une tradition qui ne conduisent pas à présupposer qu’elles partagent un credo central, il est possible, poursuit Raz, qu’il existe une thèse « suffisamment importante » (fairly important), commune à toutes les théories dans la tradition du positivisme juridique. Il est probable qu’elle serait celle que l’on trouve formulée par Andrei Marmor et selon laquelle « déterminer ce qu’est le droit dans les circonstances en cause ne dépend pas nécessairement ou conceptuellement de considérations morales ou d’autres considérations évaluatives et de ce que le droit devrait être ». C’est cette thèse et cette thèse exclusivement qu’Andrei Marmor appelle la thèse de la séparation et elle est différente de l’énoncé, précité, de ce qu’Alexy appelle aussi la thèse de la séparation, selon laquelle, notamment, il n’y a pas de connexions nécessaires, conceptuelles, entre le droit et la morale.
Raz ajoute encore à propos de cette identification de la thèse juspositiviste par Marmor : « je crois qu’elle est correcte », en précisant qu’il a lui-même soutenu sous le terme de la « thèse des sources » (source thesis) une thèse de la séparation « plus stricte », à savoir que l’identification du droit ne requiert jamais l’usage d’arguments d’ordre moral ou de jugement relatif à ses mérites, ce qui met en évidence une différence entre le juspositivisme inclusif, lequel se borne à dire que le fait de déterminer ce qui est le droit dans les circonstances en cause ne dépend pas nécessairement de considérations morales, mais qui admet que cela puisse être le cas dans certains systèmes juridiques, de façon contingente, et le juspositivisme exclusif.
Malgré les différences entre les thèses du positivisme juridique exclusif et du positivisme juridique inclusif, elles partagent alors ce point commun qu’il n’est pas conceptuellement nécessaire que la détermination du droit dans les circonstances en cause dépende de considérations d’ordre moral, sachant que cette thèse juspositiviste laisse encore place à des interprétations différentes (que l’identification du droit ne dépend pas nécessairement du point de vue conceptuel d’une évaluation morale est regardé par les uns comme excluant qu’elle puisse en dépendre et pour les autres comme n’excluant pas qu’elle puisse en dépendre parfois, de façon contingente, selon des décisions prises les autorités dans certains systèmes juridiques).
On ne sera donc pas a priori surpris que Raz présente la thèse de la séparation ainsi définie comme une thèse « suffisamment importante » (fairly important). Il faut naturellement comprendre en quoi Raz peut dire qu’il croit que cette thèse identifiant le juspositivisme « est correcte ». Elle est correcte en ce qu’elle identifie ce qui peut être considéré comme un critère central et partagé des juspositivismes. Mais elle n’est certainement pas correcte pour lui en ce qu’elle suppose que le droit peut être compris comme permettant, même de façon contingente, pour sa détermination, la référence à des considérations morales, ce que Raz critique sous le terme de théorie de l’incorporation de la morale par le droit. Elle est correcte dès lors que l’on se place dans le cadre du clivage entre le juspositivisme et le jusnaturalisme et que l’on cherche à rendre compte d’un critère qui permet de les différencier. Mais cela montre bien que ce clivage ne peut à lui seul être déterminant pour toutes les questions relatives à la nature du droit. Écrire ainsi que cette thèse qui identifie le juspositivisme est fairly important est aussi une façon pour Raz de diminuer l’importance et l’enjeu de la dichotomie et de la caractérisation de la thèse juspositiviste.
B. La réponse d’Alexy
Dans sa réponse, Robert Alexy souligne d’abord, ce qui pourtant à l’évidence n’est pas le cas, au moins sémantiquement, que sa conception de la thèse de la séparation entre le droit et la morale n’est rien d’autre que celle que défendent les juspositivistes, c’est-à-dire exactement la thèse à laquelle Raz fait référence (a). Mais le sens de sa réponse peut être bien compris, car il lie très étroitement les deux thèses sur la séparation (b).
a) Alexy souligne en effet que la thèse dite de la séparation à laquelle Raz fait référence est exactement celle qui est rapportée dans The Argument from Injustice. Rappelons que cette thèse de la séparation à laquelle Raz fait référence pour identifier la proposition philosophique du juspositivisme est que la détermination de ce qu’est le droit dans les circonstances où la question de droit se pose ne peut pas dépendre nécessairement et conceptuellement des mérites de la norme. Pour preuve que c’est bien là le sens chez lui (comme chez Raz et chez Andrei Marmor) de ce qu’il appelle la thèse de la séparation, Alexy rappelle que le point clef de son opposition au juspositivisme passe par la défense de la formule de Radbruch selon laquelle, pour la résumer avec les mots d’Alexy, « une règle de droit profondément injuste n’est pas du droit ». Pourtant, manifestement, Alexy soutient que le juspositivisme défend une thèse de la séparation du droit et de la morale beaucoup plus générale que celle qui est défendue par Raz ou par Marmor. La thèse de la séparation chez Alexy ne concerne pas seulement la question de la validité du droit, mais les questions relatives à la nature et au concept de droit (rappelons que pour Alexy, « all positivistic theories defend the separation thesis, which says that the concept of law is to be defined such that no moral elements are included. The separation thesis presupposes that there is no conceptually necessary connexion between law and morality, between the law as it is and the law as it ought to be »). Raz marque de son côté la différence entre ces deux formulations de la thèse de la séparation.
b) Mais le sens de la réponse d’Alexy doit être bien compris, car ce qu’il refuse, précisément, c’est de considérer que la thèse de l’absence de connexion nécessaire entre le droit et la morale et la thèse juspositiviste selon laquelle la validité du droit ne dépend pas nécessairement de ses mérites puissent être considérées comme deux thèses différentes. Tout au plus peut-il concevoir qu’on puisse les distinguer, mais il ne conçoit pas qu’elles puissent être sans lien étroit, car la thèse positiviste, qui dénie toute possibilité de penser un lien conceptuel nécessaire entre la validité du droit et ses mérites, ne peut venir, selon lui, que d’une théorie sur la nature du droit, qui elle-même ne concevrait pas de lien nécessaire entre le droit et la morale. C’est bien sur ce point que se présente une différence notable avec la position de Raz. « La relation, poursuit Alexy, entre le droit et la possibilité de son évaluation morale est simplement une condition de la possibilité d’une telle dépendance à ses mérites moraux, une possibilité qui en tant que telle n’implique rien de plus que la nécessaire dépendance de la validité juridique ou de la correction juridique par rapport à ses mérites sur le plan moral ».
Alexy précise d’abord que la plupart des démonstrations sur les connections entre le droit et la morale auxquelles Raz fait référence ne sont pas des connexions pertinentes, dès lors qu’elles ne concernent pas la connexion nécessaire entre la validité du droit et ses mérites d’ordre moral.
Il admet, et c’est là que le point de controverse se noue, que, dans sa théorie très particulière qui souligne le lien conceptuel et nécessaire entre le droit et la morale en ce que le droit prétend nécessairement exercer une autorité légitime, Raz met bien l’accent sur une connexion pertinente et décisive entre le droit et la morale pour la question de la validité et de la correction juridique du droit. Mais c’est pour dire que, parce que cette relation entre le droit et la morale que met en évidence Raz est bien pertinente pour la question centrale qui oppose le juspositivisme et le jusnaturalisme, Raz échoue à pouvoir défendre la thèse juspositiviste en ce qui concerne les critères de détermination de la validité du droit. Aux démonstrations de Raz sur la parfaite cohérence de la thèse de l’existence nécessaire d’une connexion entre le droit et la morale avec la parfaite admission de la thèse selon laquelle la validité du droit ne peut pas nécessairement se mesurer aux mérites de son contenu ou de ses sources, Alexy répond, en substance, que cela est parfaitement impossible : « Raz believes, écrit-il, that it is possible, on the one hand, to assume that the law is necessarily or essentially connected with a moral claim and, on the other hand to defend legal positivism. I think that it is not possible to do both ».
Dans ses remarques introductives à la discussion qui avait été programmée avec Raz lors du Congrès de Grenade de l’IVR en 2005, c’était exactement le même point qu’Alexy avait mis au centre de sa discussion des thèses de Raz. Alexy y affirmait que la thèse de la connexion nécessaire entre le droit et la morale ne peut être comprise que si cette connexion est conçue comme portant sur le contenu de la règle de droit ou de la décision judiciaire et permettant d’évaluer sa « correction » ou sa défectuosité, non seulement sur le plan moral, mais sur le plan juridique et, dans certains cas, en particulier là où la connexion entre le droit et la justice se révèle avec le plus de conséquence, dans les cas d’extrême injustice, sur l’évaluation de leur validité juridique.
Il note bien que, selon Raz, il appartient aux propriétés essentielles du droit qu’il prétend à une autorité légitime, au sens d’une autorité valable sur le plan de la justice et de la morale, et que pour Raz cette thèse est parfaitement compatible (c’est le mot qu’emploie Alexy et non Raz) avec l’affirmation selon laquelle la validité du droit et même sa correction juridique n’en sont pas moins non affectées dans le cas où le droit manquerait de répondre à cette prétention. La question est alors de savoir, écrit-il,
si le positivisme juridique est correct en affirmant la compatibilité du positivisme et de la nécessaire prétention du droit à une autorité légitime ou si le non-positivisme juridique a raison en maintenant, contre Raz, que cette prétention du droit à une autorité légitime et donc à une conformité avec ce qu’exige la morale est bien incompatible avec le juspositivisme.
On doit noter que ces observations d’Alexy ne rendent pas compte du tout de la thèse de Raz. Il n’est pas question pour Raz de défendre l’idée qu’il y a une simple « compatibilité » entre, d’une part, la nécessaire connexion entre le droit et la morale en ce que le droit prétend exercer une autorité légitime et, d’autre part, sa thèse selon laquelle la validité du droit ne dépend jamais de considérations morales. Sa thèse est que c’est précisément, « nécessairement », parce que le droit prétend à une autorité légitime, pour les raisons que Raz défend par ailleurs, que la validité du droit doit être comprise comme déterminée exclusivement par des sources sociales. Dans « An Answer to Joseph Raz », faisant cette fois directement référence non à la thèse juspositiviste en général, mais à la thèse de Raz en particulier et notamment à son affirmation qu’« étant donné que la morale s’applique de toute façon, la fonction du droit ne peut pas être d’avoir à l’incorporer dans le droit », s’appuyant alors sur elle, en lui faisant produire les conséquences exactement contraires à celles que Raz en déduit, Alexy fait remarquer qu’il « faut donc ainsi ajouter que la morale, en vertu de la nature même du droit, est déjà incorporée dans le droit ».
Au contraire, de son côté, Raz montre que si Alexy est en mesure de mettre en évidence de nombreuses connexions entre le droit et la morale, il ne démontre pas, à partir du constat de ces connexions, comment il peut défendre une thèse non positiviste selon laquelle c’est bien en raison de cette connexion, d’une part, que la défectuosité morale du droit entraîne une défectuosité juridique et, d’autre part, que, dans certains cas, la défectuosité morale entraîne l’invalidité du droit.
Ce sont donc deux points importants qui ressortent de la critique de Raz que nous allons maintenant développer : le premier, qui porte sur la nécessaire relativisation du clivage entre juspositivisme et non juspositivisme (II), le deuxième, sur le fait que l’on ne peut pas regarder les éventuelles références des juges à des principes moraux ou à des considérations de justice comme des preuves de ce qui est de droit dans un cas (III).
II. La relativisation du clivage entre le juspositivisme et le jusnaturalisme
Nous poursuivons donc ici la discussion sur la portée qu’il convient de reconnaître au clivage entre le juspositivisme et le jusnaturalisme. On rappellera d’abord les termes de la controverse entre Raz et Alexy (A), puis la possibilité de sa focalisation sur les questions relatives à la méthodologie de la philosophie du droit (B).
A. Les termes de la controverse
Raz pointe le risque de perte de pertinence qu’entraîne la transformation des discussions les plus importantes de la théorie du droit et notamment des discussions sur les questions sur la nature du droit en controverse entre jusnaturalisme et juspositivisme :
I do not care whether my views are classified with legal positivism, as they are commonly are, or not. I believe that the classification of legal theories as legal positivist or non-legal positivist, which underpins the structure of Alexy’s book, is unhelpful and liable to mislead. And in a way my remarks here are meant to illustrate this point.
Il redira dans le dernier paragraphe de « How Not to Reply to Legal Positivism » que « ce serait encore une grossière erreur de penser [qu’il] défen[d] le juspositivisme ». Raz regarde le livre d’Alexy comme une opportunité manquée (a missed opportunity) d’aller au-delà de la querelle sur le juspositivisme. Au contraire, le fait que tant de questions qui sont regardées comme caractérisant la division entre le juspositivisme et le jusnaturalisme ne servent pas un tel but montre que les théoriciens du droit « ont avancé la discussion sur la nature du droit au-delà du point où le juspositivisme est une catégorie utile dans de telles discussions ». « Il est peut-être temps non de réfuter le positivisme juridique mais d’oublier le label et de prendre en considération directement les théories des différents théoriciens nées dans cette tradition en regardant leurs propres propositions ». Plus précisément, pour Raz, s’il est exact qu’il est possible d’évaluer la conformité du droit aux exigences que décrit la théorie morale, cette possibilité ne remet pas en cause le juspositivisme. La thèse élargie de la théorie de la séparation affaiblit cette théorie, et c’est cet affaiblissement qui conduit à en mécomprendre la portée limitée. Le ton est donné dans les lignes finales de l’article :
It is a blemish in the law that it is morally defective, unjust. If this establishes anything regarding the credentials of legal positivism, it establishes that Alexy’s separation thesis, which he so laboriously undermined by his argument to this conclusion, has nothing to do with legal positivism. After all it was Bentham, the founder of legal positivism in Britain, who did more than anyone to argue that the law should be moral, and expose the moral deficiencies of the law of his day.
On comprend assez bien que cette affirmation de Raz marque ainsi que l’accent mis sur le clivage entre juspositivisme et jusnaturalisme masque l’importance de la discussion sur la nature du droit au sein même des courants et des théories du juspositivisme, et notamment l’importance de la différence entre sa thèse des sources sociales du droit et la thèse du positivisme juridique inclusif de l’incorporation de la morale par le droit positif, sans même évoquer plus avant d’autres théories donnant un autre sens au critère commun sur lequel se retrouvent les juspositivistes, comme, notamment, les doctrines du positivisme juridique normatif ou programmatique.
En réponse – ce sont les premiers paragraphes de son article –, Alexy souligne l’importance primordiale de la controverse classique entre jusnaturalisme et juspositivisme. S’il reconnaît volontiers avec Raz que « les débats les plus récents dans le monde anglophone ont produit une riche moisson de théories qui montrent que le droit est une question beaucoup plus complexe que l’on avait pu le croire », il refuse de « reconnaître » que « ce degré élevé de sophistication atteint de nos jours » conduise à accepter que le partage entre les théories juspositivistes et jusnaturalistes ne serait plus pertinent pour éclairer vivement la nature du droit. « C’est précisément l’opposé qui est vrai ». « La division entre les théories juspositivistes et non juspositivistes relatives à la nature du droit constituera une catégorie qui illuminera les débats de théorie du droit pour tout le temps où le droit existera ». Et la raison de l’établissement et de la persistance de cette éternelle controverse « réside dans la nature duale du droit qui trouve son origine dans le fait que le droit est d’un côté un phénomène factuel par nature et d’un autre côté un phénomène idéal ». Et cette différence entre les positivistes, qui regardent, selon Alexy, la dimension idéale du droit comme extérieure à sa dimension factuelle, et les non-juspositivistes, qui reconnaissent que la dimension factuelle du droit est connectée de façon interne à sa dimension idéale, est assez significative pour garantir l’importance de ces labels plutôt que de vouloir, comme le recommande Raz, les oublier.
B. La focalisation de la controverse sur la méthodologie de la philosophie du droit
Une partie très visible des philosophes appartenant à la tradition du juspositivisme contemporain affirme d’une voix très forte que la thèse philosophique du juspositivisme est une affaire de description, et rien de plus, non une affaire normative. C’est d’ailleurs sur ce point qu’Andrei Marmor avait finalement mis l’accent dans le débat qu’il avait soutenu contre Alexy au Congrès de l’IVR de Grenade, et sur ce point que s’était concentré le débat entre lui et Alexy. La source principale du malentendu dans le débat avec Alexy sur le juspositivisme, rappelait Andrei Marmor, est que le positivisme juridique n’indique pas un chemin qui doit être suivi, parce qu’il n’est tout simplement pas une théorie normative. Il se borne à être une théorie sur la nature du droit et il cherche à trouver la vérité sur ce qu’est le droit. Et ce n’est pas parce que le droit prétend être conforme à la justice qu’il l’est nécessairement. Il fait observer que
Once we admit that in order to get something like the Radbruch formula, you need a normative argument to tell us something about the law. It is no longer the case that the conclusion is about the nature of law. As simple as that: I cannot make a normative argument about the nature of anything except normative conclusions.
C’est en effet souvent sur l’affirmation du caractère descriptif de la thèse philosophique du juspositivisme que les juspositivistes se fondent pour marquer les limites mêmes de cette thèse sur tout un ensemble de points centraux pour la théorie du droit. John Gardner est sans doute celui qui a poursuivi la démonstration de la façon la plus radicale :
Les raisons qui font que cette thèse centrale d’identification du juspositivisme est si souvent mal comprise, c’est qu’elle est relativement inerte sur le plan normatif. Par elle-même elle ne conduit à aucune conduite particulière. Elle ne signifie pas seulement qu’elle ne procure aucune orientation morale. Elle ne procure aucune orientation sur le droit non plus. Les juristes trouvent donc cette inertie normative difficile à accepter ; ils espèrent trouver dans la philosophie du droit les bases qui éclairent et qui guident leur pratique. Or ici la philosophie du droit se borne à identifier ce qu’ils font et ne dit rien en ce qui concerne un encouragement ou une critique de ce qu’ils font.
La thèse de la séparation est inerte en ce qu’elle ne détermine ni moralement ni même juridiquement quoi faire en ce qui concerne le raisonnement juridique, les pouvoirs du juge et l’interprétation juridique.
N’est-ce pas là la clef de la compréhension de la portée relative de la thèse juspositiviste et de la démonstration du risque qu’il y a à vouloir faire de la dichotomie entre juspositivisme et non-positivisme la clef unique et en tout cas centrale de la discussion sur la nature du droit ? En effet, « une fois que l’on a posé la question de savoir si une certaine norme est valide, comme l’écrit encore John Gardner, il reste de nombreuses questions relativement indépendantes à se poser en ce qui concerne sa signification, sa fidélité aux fins du droit, son rôle dans le raisonnement juridique, ses effets juridiques, et les fonctions sociales, pour en indiquer quelques-unes ».
Mais, si l’on en revient au débat ouvert par Raz, il semble difficile de trouver une affirmation aussi claire, chez Raz, de ce que la méthode descriptive qui fonde la thèse juspositiviste de la validité du droit est également aussi inerte sur le plan normatif. En réalité, Raz refuse la distinction qui ferait que ce qui serait descriptif ou factuel viendrait à être utilisé pour désigner des concepts qui ne sont pas spécifiquement des concepts pratiques. Pour lui, se borner à « désigner des propositions qui ne sont pas évaluatives comme des propositions “factuelles” implique qu’il n’existe pas de faits évaluatifs », ce qui est faux. C’est un fait inhérent à la nature du droit que le droit fonctionne, à la différence des autres normes importantes, et notamment à la différence des normes morales, non en fonction de ses mérites, mais de ses sources sociales. Que le droit soit dans les sources et non dans ses mérites, cela semble être, pour Raz, non seulement une question relative à la description d’un fait, mais aussi une question de description d’une norme et pour le moins une question d’ordre conceptuel en lien avec « notre » concept de droit, c’est-à-dire en lien avec les caractéristiques essentielles et caractéristiques de sa nature normative. Dès lors, une telle approche conceptuelle sera valide dans la mesure où elle permettra de mieux poser les questions normatives et de faire des observations pertinentes sur de telles questions. Raz occupe donc ici encore une place originale au sein du courant du juspositivisme.
Cela ne veut pas dire pour Raz, des distinctions sont ici nécessaires, que la thèse qui décrit ce qu’est le droit est dépendante de la défense d’une approche éthique sur ce qu’il serait bien que le droit soit. Raz évoque, dans sa réponse à Alexy, la tentation chez cet auteur de développer une méthode qui justifierait la pertinence d’une analyse conceptuelle par les avantages moraux que l’on pourrait en tirer, ce qui serait pour lui une erreur méthodologique. Parmi les arguments d’Alexy, « il y en a de nombreux, remarque Raz, qui ressemblent à des affirmations que le monde serait meilleur si le droit avait telle ou telle caractéristique », ce qui conduit Raz à ajouter qu’« il ne peut pas concevoir comment de tels arguments peuvent aider à établir les caractéristiques que le concept de droit possède » (et cela même si un argument qui montrerait combien une analyse descriptive permet de mieux comprendre les questions morales est recevable). Raz est donc cohérent dans sa défense de l’idée selon laquelle la question de la nature du droit est une question de théorie et non de plaidoyer.
Tout en considérant que les questions de description de ce qui est peuvent porter sur des faits normatifs (thèse de philosophie morale cognitiviste), Raz peut ainsi distinguer, sans se contredire, ce qui relève de la recherche de ce qui est et ce qui relève du plaidoyer éthique.
En tout cas, les explications données par John Gardner sur l’inertie normative de la thèse philosophique du positivisme juridique ne me semblent pas pouvoir rendre compte complètement de la doctrine de Raz. On comprend assez bien que la thèse de l’identification de la validité du droit soit « inerte » sur le plan moral. Elle n’indique rien, notamment, sur la question de l’obéissance au droit ni sur la réalité de la légitimité du droit. Elle ne donne pas non plus une direction en ce qui concerne ce que doit faire le juge dans l’argumentation juridique, notamment lorsque le cas devient difficile, ou lorsque la règle de droit est injuste ou lorsque son application à un cas se révèlerait injuste. Le fait que le juge ait recours à des arguments moraux et notamment des arguments tirés de la moralité politique et de la justice doit être considéré comme une forme de législation judiciaire. Mais il faudrait comprendre différemment ce qui est entendu par le fait que la thèse est inerte juridiquement. Elle devrait en tout cas pouvoir permettre de créer des concepts et des outils d’observations (si le juspositivisme est vrai) de ce qu’est l’interprétation, sans naturellement avoir à donner de « recettes » sur les méthodes d’interprétation, comme Raz l’a montré par ailleurs.
Cela éclaire encore le débat avec Alexy, qui a été tenté de ramener le débat avec Raz à une question de méthodologie dans l’analyse conceptuelle du concept de droit et de la nature du droit. Faisant référence à Andrei Marmor et à sa défense d’une théorie descriptive ne pouvant être confondue avec une approche normative, justification de la thèse philosophique de la validité du droit dans le juspositivisme, Alexy se réclame d’une autre approche pour laquelle « il est bien possible de faire application d’arguments normatifs dans le but de déterminer la nature et le concept de droit ». Cela est tout simplement possible dès lors que l’on prend en considération la nature duale, factuelle et idéale du droit et ce que veulent dire les non-positivistes quand ils affirment que leur explication plus complexe est plus proche de la nature du droit que l’explication plus simple offerte par les positivistes qui ne regardent que la nature factuelle du droit.
Mais, comme on vient de voir, si cette explication de la différence de points de vue peut encore rendre compte de la méthode retenue par certains des positivistes, elle ne vaut pas à l’encontre de Raz qui, comme Alexy, voit bien l’importance de la question normative présente dans le concept et la nature du droit, et qui est par ailleurs parfaitement prise en considération, selon Raz, d’un point de descriptif. Ce n’est donc pas dans une profonde divergence de méthode que réside la différence de position sur la thèse de la validité entre Alexy et Raz. C’est bien sûr une question d’explication, et celle de Raz est au moins aussi complexe que celle d’Alexy. De la sorte, si une critique méthodologique pouvait avoir raison de la thèse d’Alexy, elle aurait des chances de valoir aussi pour celle de Raz et inversement.
III. La force de la théorie des sources sociales de raz pour rendre compte de l’argumentation en droit
Le lecteur me pardonnera de placer, en dernier lieu, ce qui pourtant semble être au centre du long échange entre les deux philosophes : l’examen de la critique des arguments d’Alexy en défense de son non-positivisme juridique, l’argument de la correction, l’argument de l’injustice et l’argument tiré des principes. Ces arguments ne sont pas sans rencontrer une certaine sympathie chez Raz, en ce qu’ils démontrent ou soulignent que « la morale s’applique de toute façon » ou encore que les juges sont des êtres moraux. Raz accorde bien que c’est « une imperfection dans le droit qu’il soit moralement défectueux, injuste ». Mais cela ne prouve rien contre la thèse de la séparation telle qu’elle est comprise par la théorie des sources de Raz. La critique du non-positivisme juridique d’Alexy est donc bien un enjeu crucial pour la théorie du droit de Raz. Ce n’est pas tant le juspositivisme qu’il défend ici, mais sa philosophie du droit en tant qu’elle permet de poser que les références des juges à des principes ou des considérations morales relèvent d’une forme de législation secondaire. Aussi faut-il commencer par rappeler la théorie razienne, même de façon succincte (A). En effet, il ne suffit pas de montrer que dans l’argumentation en droit les juges font référence à des considérations de justice et de morale pour démontrer que ce que le droit est dans un cas donné puisse se lire dans ces considérations et ces références (B). La discussion ne serait pas complète si l’on ne retenait pas, pour finir, un nouvel argument donné par Alexy à la critique razienne du non-positivisme dans un article publié postérieurement au débat de 2007 (C).
A. La théorie de Raz sur la nature du droit
Raz propose une très originale et puissante théorie sur la nature du droit à partir d’une théorie générale des normes comme raisons d’agir et qui conduit à replacer le droit dans une théorie morale plus générale. Comme il l’a souvent fait observer, c’est risquer de se tromper gravement sur les rapports du droit et de la morale que de partir du concept de droit et de se demander ensuite quel rapport le droit peut entretenir avec la morale. Il propose de renverser l’approche et de partir de la morale pour se demander de quelle façon la morale accueille le droit ou plutôt comment on peut comprendre ce qu’est le droit depuis le point de vue de la théorie morale. De ce point de vue, cela le conduit à défendre comme un élément central du droit le fait que, pour rendre le service que la théorie morale lui demande de rendre, le droit prétend à une autorité légitime. Tout en montrant par ailleurs (the dependance thesis, the normal justification thesis, the pre-emptive thesis) que c’est bien comme cela que l’autorité du droit peut être comprise, il en déduit logiquement que si le droit doit le service que lui demande de rendre la théorie morale, cette autorité n’a de sens que si le droit fonctionne sans faire plus renvoi aux raisons morales qu’il est censé avoir déjà prises en considération, c’est-à-dire sur la seule base des décisions humaines prises par les autorités du droit. Il en déduit que la validité du droit dépend par sa nature, c’est un de ses caractères essentiels, de ses sources sociales. Raz explique ainsi que, précisément parce que le droit doit être compris dans le cadre d’une théorie morale et que, dans le cadre de cette théorie, il y joue un rôle décisif qui implique que les considérations morales ne puissent pas être comprises comme incorporées dans le droit, la détermination du droit dans un cas ne dépend que de ses sources sociales.
Il aurait été intéressant qu’Alexy, au lieu de se borner, dans sa réponse, à l’affirmation d’une contradiction au sein même de la doctrine razienne, affronte la proposition de Raz selon laquelle le fait qu’on puisse regarder le droit comme revendiquant posséder une autorité légitime conduit à conclure logiquement que c’est dans la nature même du droit, dans ses caractères essentiels et caractéristiques, que d’être déterminé par les sources humaines — c’est-à-dire par les autorités qui revendiquent au nom du droit cette autorité légitime.
Aussi l’attaque la plus radicale de Raz porte-t-elle sur le cœur même de la théorie d’Alexy, c’est-à-dire sur la portée qu’Alexy donne à l’argument de la nécessaire prétention du droit à la correction (claim to correctness). Ce que Raz reproche à Alexy, c’est de ne pas mener une réflexion sur la nature du droit qui rende compte du lien nécessaire entre la prétention du droit à la correction avec la question de la détermination de ce qui de droit. Raz montre que si Alexy est bien en mesure de mettre en évidence un certain nombre de relations ou de connexions nécessaires entre le droit et la morale, il n’a pas d’argument pour justifier que ce serait en raison de ces connexions que, d’une part, la défectuosité morale du droit entraîne nécessairement une défectuosité juridique et que, d’autre part, dans certains cas, lorsque la défectuosité du droit sur le plan moral dépasse certains seuils d’injustice, elle conduit à l’invalidité du droit tel qu’il peut être reconnu prima facie.
La théorie d’Alexy selon laquelle le droit prétend à une correction et notamment à la correction morale est, selon Raz, purement formelle. Toute prétention d’une intention quelconque à être « correcte » selon l’argument pragmatique d’Alexy (ce serait contradictoire pragmatiquement que le droit prétende être injuste) se comprend bien, mais l’argument pragmatique, s’il est exact, ne dit pas fondamentalement ce qu’implique une telle prétention à la correction. L’argument principal d’Alexy en faveur de la prétention du droit à sa correction, notamment à une correction de type moral apparaît à Raz, aussi intéressant qu’il soit, purement formel, dès lors qu’il n’est pas fondé sur une analyse de la nature du droit qui devrait imposer de conclure que les connexions démontrées entre le droit et la morale dans l’argumentation juridique puissent imposer de rejeter la thèse du juspositivisme. L’argument de la prétention du droit à une correction à la justice et à la morale, n’est pas erroné, mais il ne prouve pas pour autant en lui-même, sans autres arguments sur la nature du droit, que la validité du droit puisse dépendre de sa conformité à la justice :
If the law is committed to standards of justice, this follows from the nature of law, not from the nature of purposeful activity. It follows that nothing can be learnt from the correctness thesis about the nature of law. Rather, once we have established, in light of other arguments, what is the nature of law, and only then, will we be able to conclude which commitments the law makes, or what claims it makes. The correctness thesis, being a formal thesis, while true, affords no specific help in elucidating the nature of law.
B. La critique des arguments d’Alexy en défense du non-positivisme juridique
Raz critique successivement les trois arguments présentés par Alexy au soutien de la thèse non positiviste : l’argument de la prétention du droit à la correction, l’argument de l’injustice et l’argument tiré des principes. Il faut bien comprendre que la ligne générale de la réponse de Raz à ces arguments est la même. Les arguments d’Alexy sont in fine tous tirés de sa théorie de l’argumentation juridique. Ils partent de l’observation des arguments utilisés par les juges. La réponse de Raz suit donc la même ligne, qui consiste à considérer qu’aucun de ces arguments ne porte sur la nature du droit et que, de l’observation des arguments utilisés par les juges, on ne peut déduire rien qui puisse servir à caractériser ni la nature du droit ni la question de la validité juridique.
a) La critique de l’argument de la correction
Cette idée centrale chez Alexy qu’il est de la nature du droit, au sens d’une de ses propriétés essentielles, de prétendre à une correction envers ce qui est juste et plus largement une correction morale, a d’abord été défendue par Alexy dans le contexte de sa théorie de l’argumentation en droit développée dès 1978. Alexy a défendu l’idée que les jugements en droit et leurs justifications prétendent nécessairement être corrects, dans le cadre de référence défini par le droit posé par les autorités d’abord, puis, dans les cas où les décisions posées par les hommes ne fournissent pas de réponse objectivement déterminable, dans un cadre de référence élargi pour devenir notamment une prétention à être corrects du point de vue de la justice, en renvoyant ainsi à des justifications de nature morale. Cet argument est l’illustration de ce que le raisonnement juridique est un « cas spécial » du discours pratique (special case thesis). Comme l’a indiqué plus tard Alexy, cette théorie, qui voit dans l’argumentation juridique un cas spécial du discours pratique, établit déjà la thèse de la connexion nécessaire entre le droit et la morale. Mais dans un entretien avec Manuel Atienza, Alexy avait observé qu’il y avait là un point de fragilité dans sa théorie de l’argumentation juridique, en ce sens qu’elle présupposait bien, selon lui, un concept de droit non positiviste, ce qui n’avait pas été cependant complètement développé et que c’était cette réponse qui avait été donnée plus tard dans The Argument from Injustice. A Reply to Legal Positivism.
Mais, en tant qu’il est un argument sur le lien entre défectuosité morale et défectuosité juridique, il tombe avec l’impossibilité de tirer quoi que ce soit sur la nature du droit à partir de l’analyse de la pratique du droit, en l’occurrence de l’argumentation juridique. Le concept de droit doit pouvoir permettre de mieux analyser la pratique du droit : il ne dépend pas de l’observation de ce qui se passe dans la pratique du droit. Il doit conduire à mieux l’éclairer.
Ce qu’Alexy développe de façon extrêmement intéressante sur la façon dont fonctionne l’argumentation juridique peut être compris, analysé et expliqué dans le cadre de la thèse juspositiviste (ce qu’Alexy reconnaît jusqu’à un certain point, mais pour contester que la thèse juspositiviste soit satisfaisante). C’est tout particulièrement le cas de l’analyse des décisions de la Cour constitutionnelle allemande dans son application de la formule de Radbruch, censée illustrer sur le plan de la validité la thèse non positiviste.
b) La critique de l’argument de l’injustice
La formule de Radbruch, souligne Alexy, ne peut pas être déduite directement de la thèse de la prétention du droit à la correction. Il faut recourir à des arguments complémentaires qui comprennent des raisons morales qui sont des raisons normatives. Le positiviste, avait indiqué Alexy dans The Argument from Injustice, pourra également indiquer que, au mieux, cette revendication du droit à une conformité pouvant inclure une conformité à des principes moraux ne peut aller au-delà de la simple démonstration d’une connexion idéale entre le droit et la morale et que, en conséquence, elle n’implique pas, au-delà de ce qu’il appelle lui-même une simple opération de qualification qui conduirait à déclarer défectueux sur le plan juridique un droit qui manquerait de correspondre aux exigences de la morale, une opération de classement qui conduirait à déclarer invalide le droit défectueux sur le plan de la morale. À cet argument, Alexy répond par l’argument de l’injustice : si la défectuosité morale du droit dépasse un certain seuil, élevé, si cette défectuosité sur le plan moral tient à une grave injustice, elle n’impliquerait pas seulement une simple défectuosité juridique, mais l’invalidité juridique de la règle en cause, ce qui serait exactement le sens de la célèbre formule de Radbruch, selon laquelle, pour reprendre les mots d’Alexy, « un droit extrêmement injuste n’est pas du droit ». Dans le vocabulaire d’Alexy, on ne serait plus dans une simple opération de qualification de la relation juridique avec le défaut moral, mais dans une opération de classement, le droit contraire à la morale ne pouvant pas seulement être qualifié de défectueux sur le plan juridique, mais devant, dans ce cas, être classé en dehors du droit.
La lecture non juspositiviste du texte même de la formule de Radbruch a été discutée et c’est cette lecture non juspositiviste qui est contestée par Raz lorsqu’elle est notamment utilisée par la Cour constitutionnelle allemande. L’argument de l’injustice énoncé dans les termes de la formule de Radbruch, écrit Raz en substance, comme les applications que cette formule a reçues en Allemagne dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle fédérale, peuvent être parfaitement compris du point de vue de la thèse du juspositivisme. Pour comprendre cette formule d’un point de non juspositiviste, il faudrait ajouter des prémisses complémentaires que l’on ne trouve pas chez Alexy. Partant de l’analyse par Alexy d’une décision de la Cour constitutionnelle allemande déclarant nulle une ordonnance adoptée sous le régime nazi qui portait déchéance de la nationalité allemande des Juifs exilés, Raz fait observer qu’il n’y a rien dans l’argument pour démontrer la thèse non positiviste selon laquelle la validité du droit dépend d’éléments relevant de la morale. La décision de la Cour constitutionnelle fédérale peut aussi être décrite « comme un cas d’un “derogating judge-made law” » :
Comment pouvons-nous comprendre l’analyse par laquelle Alexy dit que les juges doivent caractériser leur décision d’écarter l’ordonnance en cause comme du droit dès lors qu’ils décident sur la base de bonnes raisons juridiques ? Peut-être qu’Alexy veut dire que le juge doit tenir et présenter sa décision comme légalement obligatoire et c’est ainsi cependant non parce qu’il décide sur la base de raisons juridiques, mais parce qu’il a le pouvoir en droit de déterminer le droit dans le cas présenté devant lui.
[…]
Cela rend sa décision obligatoire en droit et elle est ainsi obligatoire, même si elle est erronée en droit, c’est-à-dire même si elle n’est pas correctement fondée sur les raisons juridiques. Peut-être Alexy veut-il dire non seulement que la décision de la Cour est obligatoire, mais qu’elle constitue aussi une exacte application du droit.
Il existe des cas, ajoute Raz,
dans lesquels le droit dénie aux juges l’exercice de pouvoir de changer le droit sur certaines matières et les juges, défiant le droit, assument néanmoins un tel pouvoir, peut-être pour de bonnes raisons. Dans de tels cas, ils peuvent ne pas être libres de reconnaître qu’ils ont changé le droit. Ils peuvent bien être avisés de déguiser la vraie nature de leur action et prétendre que le droit a toujours été comme ils jugent qu’il est maintenant. Ce n’est pas une situation qu’Alexy nous invite à examiner. Y a-t-il quelque chose dans l’exemple qui est non conforme avec le positivisme juridique ? Je ne vois rien de cette sorte. Tout cela aussi est parfaitement cohérent avec le juspositivisme.
Si nous supposons que la règle qui donne aux juges le pouvoir de laisser de côté les lois gravement injustes peut exister dans certains systèmes juridiques et ne pas exister dans d’autres systèmes juridiques, alors son existence peut seulement être une question de fait social et, par hypothèse, il n’y a aucune différence morale entre ces systèmes qui pourrait justifier son existence dans l’un et son absence dans l’autre.
Pour argumenter contre le positivisme juridique, Alexy doit avoir besoin de montrer, non seulement que les juges, à quelques systèmes juridiques qu’ils appartiennent, devraient laisser de côté les lois injustes, mais que le droit leur donne nécessairement ce pouvoir comme un pouvoir juridique, de telle sorte que son exercice ne puisse jamais être une violation du droit. Or, « il n’est pas clair de voir quelles sont les raisons que donne Alexy pour cette affirmation ». Elle ne peut venir justifier une théorie non juspositiviste de la validité du droit que si elle venait à être défendue avec des prémisses complémentaires. La seule observation que les juges peuvent être conduits à faire application de la formule de Radbruch ne suffit pas.
c) La critique de l’argument tiré des principes
L’argument des principes auquel fait, enfin, référence Alexy ne peut rien ajouter de déterminant. Les principes sont pour Alexy des normes qui se distinguent fondamentalement des règles en ce qu’ils sont des « exigences d’optimisation » qui ne peuvent se réaliser que sur la base des exigences du discours pratique. L’argument qui part des principes tel qu’il est défendu par Alexy comprend lui-même trois thèses : la thèse de l’incorporation qui établit que chaque système juridique comprend nécessairement des principes, la thèse de la morale qui établit que la nécessaire incorporation des principes conduit à la nécessaire connexion entre le droit et la morale, et l’argument de la correction qui établit une connexion nécessaire entre le droit et la morale critique. L’argument des principes trouve encore sa source dans une approche de l’argumentation juridique, parce qu’Alexy établit que la nécessaire présence des principes dans tous les systèmes juridiques – du moins dans tous les systèmes juridiques un tant soit peu développés – est le fait de la complexité nécessaire de l’argumentation juridique. L’argument des principes ajoute encore une proposition en faveur de la thèse de la prétention de l’argumentation juridique (et du droit) à la correction, dans le cas où la mise en œuvre des principes passe par la mise en balance de principes concurrents ou contradictoires et que cette mise en balance revendique aussi nécessairement d’être justifiée et, ici, faute de « règles » qui régissent la mise en balance correcte du point de vue des décisions des autorités, d’être justifiée par des considérations de philosophie morale.
Pour Raz, l’argument des principes est tout aussi défectueux. On peut certes penser qu’il est plausible d’attendre que tous les systèmes juridiques développés incluent des principes et pas seulement des règles. Mais cela ne prouve pas la nécessaire présence de tels types de normes dans tous les systèmes juridiques, ni, surtout, question plus conceptuelle, leur nécessaire incorporation par le droit dans les sources du droit. L’argument d’Alexy semble être que, dans certains cas difficiles, les juges sont requis nécessairement par le droit (en vertu de la thèse de la nécessaire revendication du droit à une correction du point de vue de la justice) de mettre en balance des principes (et de le faire en respectant une théorie morale). Selon Alexy, dans ces cas difficiles, il serait requis qu’il en soit ainsi du fait de la thèse de la conformité du droit à une justification objective.
Pour Raz, une telle conclusion ne peut être acceptée. Alexy ne parvient pas à concevoir la possibilité même que les standards dont les juges doivent faire application selon le droit peuvent néanmoins ne pas être tenus pour être partie du système juridique qui demande qu’il en soit fait application. Reprenant sa réponse célèbre contre les thèses inclusives des principes dans le droit (par le juspositivisme inclusif), Raz rappelle que le fait que le droit requiert des cours de justice de faire application de lois étrangères ne prouve pas que les lois étrangères fassent en aucune sorte partie du droit du pays. Cela vaut pour les références que les constitutions peuvent faire à d’autres standards de nature morale. Cet argument pointe plus directement vers la défense, chez Raz, non de la thèse juspositiviste en général (on pourrait discuter de la thèse de l’incorporation du point de vue d’un positivisme juridique inclusif en démontrant qu’Alexy n’a fait que montrer qu’il y avait bien des systèmes juridiques qui font bien référence à des principes, mais qu’il n’a pas démontré que cela était un élément conceptuellement nécessaire du droit), mais de la thèse du positivisme juridique exclusif. Ce non sequitur vise à détruire la thèse même de l’incorporation des principes en tant que principes moraux dans le droit, et dispense Raz de répondre aux arguments d’Alexy par lesquels, voulant lui-même se distancier du juspositivisme inclusif, il défend à travers l’argument de la nécessaire et non pas contingente présence des principes dans le droit, une nécessaire connexion entre le droit et la morale conduisant à considérer pour le moins que le droit défectueux sur le plan moral est aussi défectueux sur le plan juridique.
d) La discussion critique sur la distinction entre point de vue interne des participants et point de vue externe des observateurs. Le partage des mêmes concepts
L’argument d’Alexy reprend souvent l’importance de prendre en considération le point de vue interne des « participants », c’est-à-dire des juges, dès lors que cela montre qu’ils sont « engagés » dans un discours sur le droit, que cet engagement ne peut pas ne pas prendre en considération la dimension idéale du droit, ce qui peut ainsi les conduire, dans le cas où le droit comporte une grave injustice, à mettre en balance les principes de certitude et de justice pour faire prévaloir la justice, non pas simplement du point de vue de la morale, mais du point de vue du droit. Pour Alexy, on pourrait ainsi être juspositiviste du point de vue externe, celui des observateurs, mais cela ne serait pas possible du point de vue interne, celui des participants. Raz traduit cela par l’idée que « cette revendication à la correction morale forme une partie des raisons de suivre le droit et, dans le cas des juges, d’en faire application ». Mais il ne voit pas comment il pourrait y avoir une différence de « perspectives » entre les participants et les observateurs qui ferait que depuis ces points de vue différents, les acteurs, selon qu’ils sont observateurs ou participants, pourraient ne pas partager les mêmes concepts. Cette critique de la distinction des points de vue des observateurs et des participants rejoint la nouvelle approche qu’a proposée Raz de longue date, dans un dépassement de la distinction entre point de vue interne et point de vue externe faite par Hart, en vue de la remplacer par un contraste entre « point de vue interne engagé » et « point de vue interne détaché », ce qui permet d’insister sur le fait que c’est l’engagement envers l’emploi des mêmes concepts qui fait la seule différence possible entre l’observateur extérieur et le participant, mais une différence qui se fait néanmoins dans l’usage des mêmes concepts, un point sur lequel Raz revient longuement dans sa réponse à Alexy. La critique de Raz sur la distinction entre les perspectives internes et externes me paraît exacte, en ce qu’elle montre bien que ce sont les mêmes concepts qui sont utilisés par le point de vue engagé et le point de vue détaché.
Il suffit alors de rappeler que l’argument d’Alexy, depuis sa thèse sur la théorie de l’argumentation juridique, met en avant l’idée que le discours argumentatif engagé, au sens qu’il est engagé dans la recherche de l’objectivité du droit, comporte aussi, au moins dans certains cas, une argumentation rationnelle engagée du point de vue de la justice et de la morale. Cela est bien devenu un élément important ensuite de sa théorie sur la nature du droit et de sa critique du juspositivisme. Pour autant, pour Raz, démontrer que l’argumentation en droit est une argumentation qui peut faire référence à la morale n’implique pas que le droit en tant que tel impose nécessairement, pour établir sa validité, que ses propositions dépendent nécessairement de leur conformité à la morale.
C. Les arguments d’Alexy dans « On the Concept and the Nature of Law » de 2008
Dans un article ultérieur au « débat », publié en 2008, Alexy fait état de ce qui serait une « objection décisive » au non-juspositivisme, pour y apporter une réponse nouvelle. Cette objection accorde que le droit prétend nécessairement à la correction et que cette prétention est nécessairement connectée avec la morale, mais elle souligne que cela est compatible avec le juspositivisme aussi bien qu’avec le non-positivisme.
Il prend l’exemple imaginaire d’un cas dans lequel le matériau disponible issu des décisions prises par les autorités permet deux interprétations différentes. Mais un seul argument est disponible qui est un argument d’ordre moral, qui ne peut pas être ramené ou déduit d’une source du droit positif établi. Cet argument d’ordre moral parle en faveur de la première interprétation et conduit alors à rejeter la deuxième interprétation. « Je pense, écrit Alexy, que les non-positivistes sont en parfait accord avec les juspositivistes qui, comme Raz, admettent que les juges sont soumis à la moralité, quoi qu’il en soit ». C’est dire que nous devons adopter la première interprétation, soutenue par l’argument de la morale, et non la seconde interprétation erronée sur le plan moral. Mais les juspositivistes et les non-positivistes sont alors en désaccord sur la façon de comprendre ou d’interpréter ce choix et ces raisons. Les positivistes diront que nous devons interpréter ce qui se passe ainsi comme un processus de législation qui transforme des considérations morales dans le droit sur la base du pouvoir qui est reconnu par ailleurs aux juges pour le faire et seulement sur la base de cette autorité qui leur a été accordée pour le faire. Si cette interprétation est exacte, si, du point de vue du droit, cela n’est simplement qu’une question de législation ou le résultat fondé sur une compétence accordée par le droit, alors, si le juge choisit l’interprétation moralement erronée, il serait néanmoins en train de faire une décision parfaite (correcte) sur le plan du droit.
Alexy poursuit en affirmant que sa réponse est que
cette décision ne serait pas parfaite juridiquement dans tous ses aspects. Dès lors que la prétention à la correction nécessairement portée par le droit comprend une dimension idéale, un juge qui choisit une interprétation moralement erronée dans un cas dans lequel le droit positif permet aussi bien une interprétation correcte sur le plan de la morale ne serait pas en train de faire une décision juridiquement parfaite. Dans un tel cas, une incorrection sur le plan moral implique une incorrection sur le plan juridique. Cet exemple suffit, même si le cas est imaginaire et même si d’autres cas plus complexes existent, pour montrer qu’il existe une connexion nécessaire entre la correction morale et juridique. Cette connexion a comme telle seulement un caractère de qualification. Néanmoins cette qualification apporte un changement fondamental dans notre image du droit.
Cependant, ce que l’on peut dire, avec Raz, c’est que cette analyse interprétative ne s’impose pas pour les seules raisons données par Alexy lui-même et que la thèse juspositiviste rend bien compte du cas imaginaire qu’il a évoqué.
Jean-Yves Chérot
Professeur à l’Université Aix Marseille, Laboratoire de théorie du droit.