Pour citer cet article : Thomas Hochmann, Recension de Ninon Grangé et Frédéric Ramel (dir.), Le droit international selon Hans Kelsen. Criminalités, responsabilités, normativités, Paris, ENS Éditions, 2018, Droit & Philosophie, « Recensions », mis en ligne en mai 2020 [https://www.droitphilosophie.com/articles/n.-grange-et-f.-ramel-(dir.)-le-droit-international-selon-hans-kelsen.-criminalites-responsabilites-normativites-(ens-editions-2018)-1799].

 

Apparue après la Première Guerre mondiale, l’idée de juger les individus responsables de graves violations du droit international fut en particulier réaffirmée par les Alliés à partir de 1942 (p. 39 sqq.). Mais, si cet objectif politique était clair, les modalités juridiques de sa mise en œuvre l’étaient beaucoup moins. Immédiatement, Hans Kelsen s’intéressa à la question, comme le montre l’ouvrage recensé qui contient en particulier deux textes de Kelsen traduits et présentés par de fins connaisseurs de l’histoire et de la théorie de la justice pénale internationale. Le premier article, bien connu des spécialistes, cherche à déterminer précisément « [q]uelles sont les infractions qui peuvent donner lieu à une rétribution et quels sont les principes de justice applicables à ces infractions » (p. 91). Le second, longtemps difficile d’accès (p. 37), approfondit une question abordée dans le texte précédent, à savoir l’interdiction de la rétroactivité.

Les excellentes traductions et présentations de ces deux articles constituent le cœur de l’ouvrage recensé. Ils sont encadrés par deux autres contributions. Si personne n’a lu tout Kelsen (plus de 17 000 pages, tout de même, aux dernières estimations), Carlos Miguel Herrera est l’un de ceux qui s’en rapproche le plus en France. Il s’attache ici à donner un aperçu de « La théorie du droit international de Hans Kelsen et ses évolutions » (p. 13-34). Cette entreprise permet de replacer le thème particulier de la poursuite des criminels de guerre au sein de l’œuvre beaucoup plus vaste de Kelsen en matière de droit international. L’auteur organise son propos autour de deux axes. Il étudie d’abord la place du droit international dans le système de la théorie pure du droit, en s’attardant notamment sur la question de la norme fondamentale du droit international, et sur la conception de la guerre comme sanction de la violation des normes du droit international. Carlos Herrera présente ensuite les conceptions de Kelsen sur l’évolution des institutions mondiales à partir de la fin de la Première Guerre mondiale. Il rappelle le pacifisme de Kelsen et les moyens qu’il envisageait pour parvenir à la paix, en particulier l’instauration d’un État universel, qui devait être précédée par la mise en place d’une juridiction mondiale. Dans une dernière période, explique Herrera, face à la guerre froide, Kelsen insistera sur le fait que la guerre, qui fait partie du droit international, ne peut être bannie. Mais elle doit être juridiquement encadrée : le but du droit international n’est pas la paix, mais la sécurité collective. L’étude de Herrera constitue, selon l’un des meilleurs spécialistes de la question, « l’une des meilleures présentations […], de la dimension d’un article, de la place du droit international dans la théorie du maître de Vienne ».

L’ouvrage recensé est complété par une brève « postface ». Intitulée « Le modèle de Kelsen face à la complexité des normes en Europe » (p. 137-147), elle est rédigée par Christophe Bouriau, auquel on doit la traduction et la présentation très instructive de deux textes importants de Kelsen sur la question de la fiction. Ici, l’auteur rejoint le lot des écrits assez peu convaincants qui confrontent une conception simpliste et caricaturale de la « hiérarchie des normes » à la « complexité » du monde contemporain auquel les développements de Kelsen ne seraient donc plus adaptés. S’il ne s’agit nullement d’affirmer que l’œuvre de Kelsen constituerait le point final de la théorie du droit, celle-ci est promise à de plus amples progrès si elle s’appuie sur une prise en compte un peu plus fine des outils élaborés par l’École de Vienne. Le constat empressé du dépassement d’une « pyramide » lisse au fonctionnement mécanique, qui n’a jamais été défendue par Kelsen, n’est guère productif. Il faut davantage qu’une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour conclure à « un véritable bouleversement du modèle kelsénien » (p. 144). On mettra au crédit de l’auteur que lui-même ne semble pas complètement convaincu de la « caducité » des conceptions de Kelsen.

Mais l’ouvrage recensé retient d’abord l’intérêt par les traductions et présentations des deux textes de Kelsen sur la poursuite des criminels de guerre.

 

Le principe de la responsabilité individuelle

 

Kelsen insiste d’abord sur le caractère novateur d’une telle responsabilité individuelle. Classiquement, les sujets du droit international sont les États, et ce sont eux qui devraient être tenus pour responsables en cas de violation. Le fait que l’État ne puisse pas avoir d’expérience psychique, et donc d’intention coupable, ne s’oppose pas à sa punition, explique Kelsen : « S’il est possible d’imputer à l’État des actes physiques commis par des individus, quoique l’État n’ait pas de corps, il doit être possible de lui imputer des actes psychiques quoique l’État n’ait pas d’âme. L’imputation à l’État est une construction juridique, pas la description d’une réalité naturelle » (p. 94).

Le constat selon lequel le droit international ne prévoit en principe que la responsabilité des États permettra à Hermann Jahrreiss, dans sa plaidoirie, signalée par Valéry Pratt (p. 46), prononcée à Nuremberg en défense du haut officier militaire Alfred Jodl, de citer l’article de 1943 à l’appui de sa thèse selon laquelle il n’existe pas de responsabilité individuelle en droit international. Cette « allusion cavalière à Kelsen » l’« instrumentalise » pour profiter de l’autorité attachée à son nom. En effet, l’objectif poursuivi par Kelsen dans cette étude va précisément dans l’autre sens. Il rappelle qu’une telle responsabilité individuelle existe déjà en droit international pour le pirate, hostis humani generi. En outre, des traités peuvent tout à fait mettre en place une telle mesure. Or, l’objectif aujourd’hui « légitimement réclamé » (p. 91), explique-t-il, est d’engager la responsabilité individuelle des criminels de guerre. Ce sont la possibilité et les modalités juridiques d’une telle entreprise que Kelsen s’attache à démontrer. Comme l’écrit Emmanuel Pasquier, « La question d’actualité en 1943 n’est pas : “Faut-il poursuivre les criminels de guerre ?” Mais bien plutôt : “Comment s’y prendre concrètement ?” » (p. 74).

Kelsen fut, avec Georges Scelle, l’un des principaux artisans de la justification théorique d’une telle responsabilité individuelle. Si ces deux auteurs partageaient un certain nombre d’objectifs communs, ils différaient notamment par la place qu’ils réservaient à l’État, lequel continuait pour Kelsen à jouer un rôle central. La thèse de la responsabilité individuelle ne revient-elle pourtant pas à effacer l’État ? C’est l’idée défendue par Jahrreiss à Nuremberg :

Ce que l’Accusation fait quand elle veut voir condamner juridiquement des hommes isolés au nom de la communauté basée sur le Droit international pour avoir pris des décisions au sujet de la guerre et de la paix, deviendra dans la perspective de l’histoire européenne un rabaissement de l’État au niveau de personne privée, et même une destruction de l’État dans son essence.

Dans l’ouvrage recensé, Emmanuel Pasquier explique bien que c’est en réalité l’inverse qui est vrai : la responsabilité individuelle ne conduit pas à un effacement des États, mais permet au contraire de les « préserver », de les « laisser tranquilles » (p. 72 sqq.).

Emmanuel Pasquier note néanmoins ici une « contradiction dans le raisonnement de Kelsen », dès lors qu’il défend la responsabilité des individus tout en les considérant encore comme des représentants de l’État. Pour le commentateur, la responsabilité individuelle ne peut intervenir qu’à l’égard de ceux qui ont agi comme des individus : « s’ils étaient les justes représentants de leur État et de leur peuple, alors il faudrait maintenir la responsabilité collective » (p. 79). Il semble néanmoins que l’on puisse défendre une « responsabilité individuelle pour crime d’État ». Il est loisible à cet égard de tracer, après Georges Scelle, un parallèle avec la responsabilité administrative et de paraphraser Léon Blum : si les moyens et les instruments de la faute ont été mis à la disposition du coupable par l’État, si l’État a conditionné l’accomplissement de la faute ou la production de ses conséquences dommageables par rapport à un individu déterminé, alors on pourra dire que la faute se détache peut-être de l’État, mais l’État ne se détache pas de la faute.

 

L’identification des individus responsables

 

L’individu peut donc bien être tenu responsable d’un crime d’État. Mais encore faut-il savoir quels sont les individus concernés. En ce qui concerne le crime contre la paix, le recours illégal à la guerre, la question est simplifiée, explique Kelsen, par le fait que les régimes concernés étaient plus ou moins dictatoriaux. « Si la phrase attribuée à Louis XIV, “L’État, c’est moi”, est applicable à n’importe quelle dictature, le châtiment du dictateur revient plus ou moins au châtiment de l’État ». Ainsi, en Allemagne, « c’est probablement le Führer et lui seul » qui avait le pouvoir de déclencher la guerre (p. 106). Cette affirmation sera citée à Nuremberg par Jahrreiss, qui complètera : « Nous devons dire : “très certainement lui seul” ». On sait néanmoins que le tribunal retiendra une conception beaucoup plus large du complot en vue de commettre une guerre d’agression.

Un autre problème relatif à l’identification des personnes responsables s’attache à la question de l’obéissance aux ordres. Kelsen remarque que l’excuse de l’ordre reçu existe dans plusieurs droits nationaux. Dans certains d’entre eux, cet argument ne peut être écarté que « si l’ordre lui-même était illégal et donc nul ab initio ». Cependant, souligne Kelsen, un ordre illégal est la plupart du temps « seulement annulable, et non nul ab initio ». Qui plus est, dans les États autocratiques comme l’Allemagne nazie, le pouvoir du chef de l’État et des armées est illimité, ce qui l’empêche de rien faire d’illégal du point de vue de cet ordre juridique. Dans d’autres systèmes juridiques, poursuit Kelsen, « l’invocation d’une autorité supérieure ne peut être rejetée que si l’ordre était manifestement et incontestablement contraire à la loi ». Il faut, explique Kelsen en citant un jugement du tribunal de Leipzig relatif à un crime de guerre commis durant la Première Guerre mondiale, qu’il soit « universellement reconnu, y compris par l’accusé, comme étant contraire à la loi sans aucun doute possible ». Tel sera rarement le cas, constate Kelsen (p. 115 sqq.). Aussi, les tribunaux nationaux risquent-ils d’exonérer largement les personnes poursuivies. C’est là une des raisons pour lesquelles Kelsen recommande de confier ces affaires à une juridiction internationale.

 

La juridiction internationale

 

Un tribunal international, établi par un traité, présente plusieurs avantages selon Kelsen. Il permet d’établir la responsabilité individuelle, d’écarter l’argument de l’ordre du supérieur hiérarchique, et de rejeter tout soupçon de partialité (p. 119). Pour « garantir la paix future », insiste-t-il, pour conjurer le spectre de Versailles, il importe au plus haut point que « [l]e châtiment des criminels de guerre [soit] un acte de justice internationale, non la satisfaction donnée à une soif de vengeance » (p. 120). Aussi convient-il que les vainqueurs de la guerre acceptent que leurs propres ressortissants soient également jugés par ce tribunal s’ils ont enfreint le droit international : « Ce n’est que si les vainqueurs se soumettent à la même loi que celle qu’ils souhaitent imposer aux États vaincus que l’idée de justice internationale sera préservée ». On sait ce qu’il adviendra de cette suggestion. Kelsen ne cachera pas la déception que lui inspire le tribunal de Nuremberg, dans un texte partiellement résumé par Valéry Pratt (p. 51 sqq.), et dont la traduction aurait pu encore enrichir l’ouvrage recensé.

Par ailleurs, un État ne peut juger le ressortissant d’un autre État qu’avec l’accord de celui-ci. Aussi est-il indispensable que l’État dont les ressortissants sont poursuivis soit signataire du traité qui établit le tribunal. Dans le texte de 1945 publié ici, Kelsen s’appuie néanmoins sur l’argument qu’il avait exposé plus longuement peu de temps auparavant, selon lequel l’Allemagne a cessé d’exister comme État souverain. Les puissances occupantes sont « les successeurs légitimes de l’État allemand », et leur signature du traité suffit à engager l’Allemagne (p. 64). Cette thèse de la debellatio, qui a peu fait pour établir la popularité de Kelsen dans le pays qu’il avait dû fuir en 1933, a souvent fait l’objet de réfutations, notamment (mais pas seulement) de la part de professeurs allemands, anciens Nazis pour certains d’entre eux, qui y voyaient l’effort d’un émigré juif pour détruire leur pays. Elle est pourtant loin d’être absurde du point de vue de la théorie du droit, même s’il faut reconnaître qu’elle prête aisément le flanc à une critique politique.

 

Le principe de non-rétroactivité

 

Le tribunal international devra affronter une difficulté de taille. Il peut en effet sembler qu’il sera conduit à appliquer certaines règles de manière rétroactive. Ce thème, abordé dans l’article de 1943, est approfondi dans l’étude de 1945, qui constitue une consultation pour le « bureau des crimes de guerre » au sein du gouvernement américain. L’argumentation de Kelsen suit deux axes, l’un juridique et l’autre moral.

D’un point de vue moral, il observe une différence « évidente entre une loi rétroactive – par laquelle un acte “indifférent” en soi ou “innocent” au moment de sa commission est associé à une peine –, et une loi rétroactive par laquelle une action qui était immorale […] est rendue illégale » (p. 59). Ainsi, « si l’acte était une faute morale au moment où il a été commis, quoique n’étant pas une faute légale, une loi attachant ex post facto une sanction à cet acte n’est rétroactive que d’un point de vue juridique, et non d’un point de vue moral ». Elle « ne fait que transformer [la] responsabilité morale en responsabilité juridique » (p. 103 sqq.).

Kelsen ajoute un autre argument d’ordre moral, dont il précise bien qu’il est subsidiaire. À ceux qui pourraient objecter que les adversaires des Nazis ne devraient pas, comme eux, faire fi de la non-rétroactivité, Kelsen répond que « personne n’a le droit de tirer avantage d’un principe de justice que lui-même ne respecte pas. […] La non-application de la règle interdisant les lois ex post facto est une sanction juste infligée à ceux qui ont violé cette règle et qui par conséquent ont perdu le privilège d’être protégés par elle » (p. 67). Cet argument prend toute sa force lorsqu’on observe que Carl Schmitt, après avoir décrit en 1934 la non-rétroactivité comme une « magna carta pour les criminels », après avoir assuré la même année qu’il « opposerait au principe juridique “nullum poena sine lege” le principe de justice “nullum crimen sine poena », aura l’indécence d’écrire dès 1945, pour défendre les criminels nazis, que la responsabilité individuelle pour violation du droit international était contraire à ce même principe.

D’un point de vue juridique, Kelsen remarque que l’interdiction des normes rétroactives n’est pas absolue. Elles sont même fréquentes dans un ordre juridique. Par exemple, « [t]oute règle de droit créée par un précédent est rétroactive dans le cas pour lequel elle est appliquée la première fois » (p. 60). Pour enfoncer le clou, Kelsen va jusqu’à affirmer que « toute loi est rétroactive puisqu’elle change une situation juridique établie par une loi précédente » (p. 60), affirmation pour le moins surprenante, qui se fonde sur une conception excessive de la rétroactivité, et qui vise à démontrer à des fins rhétoriques la nécessité d’une certaine dose de rétroactivité.

Quoiqu’il en soit, il n’existe, en droit international, aucune interdiction générale de la rétroactivité (p. 103). Il ne semble donc pas tout à fait exact d’écrire comme Valéry Pratt que, selon Kelsen, « c’est l’esprit du procès qui doit l’emporter sur la lettre de la loi écrite » (p. 47). Nul conflit n’apparaît ici entre le droit et la morale. Kelsen remarque plutôt que le droit international n’interdit pas la rétroactivité, et ajoute qu’elle paraît parfaitement justifiée d’un point de vue moral.

L’auteur distingue ensuite les enjeux de la rétroactivité selon les types de crimes poursuivis. À l’égard des crimes de guerre, il affirme en 1945 qu’aucun problème n’apparaît dès lors que la responsabilité individuelle est prévue par le droit international (p. 61). À propos du recours illégal à la force, il considère, notamment contre Schmitt, que l’interdiction était en vigueur en droit international depuis le pacte Briand-Kellog. La rétroactivité ne concerne donc pas ici l’illégalité de l’acte, mais le caractère individuel de la responsabilité. Cette opération, juridiquement permise, n’est guère critiquable moralement, dès lors qu’une telle sanction individuelle « n’était certainement pas inenvisageable » à l’époque des faits (p. 63). Le tribunal de Nuremberg tiendra un raisonnement similaire :

Il est faux de présenter comme injuste le châtiment infligé à ceux qui, au mépris d’engagements et de traités solennels, ont, sans avertissement préalable, assailli un État voisin. En pareille occurrence, l’agresseur sait le caractère odieux de son action. La conscience du monde, bien loin d’être offensée s’il est puni, serait choquée s’il ne l’était pas.

Enfin, à l’égard des crimes contre l’humanité (dont on peut remarquer avec Charles Leben qu’il ne fait pas grand cas, les excluant même explicitement de l’analyse dans l’article de 1943), Kelsen observe qu’ils constituent le plus souvent des crimes en droit interne. Le seul problème juridique tient alors à l’attribution de la compétence à un organe international, et ce problème est réglé par la conclusion d’un traité. Dans les cas où ces crimes ne seraient pas déjà visés par le droit interne, ou impliqueraient jusqu’alors uniquement une responsabilité de l’État, la rétroactivité peut aisément être justifiée : « On n’a guère de raisons de douter que, selon l’opinion publique du monde civilisé, il est plus important de poursuivre devant la justice des criminels de guerre que de respecter, durant leur procès, la règle interdisant les lois ex post facto – cette dernière ayant simplement une valeur relative n’a par conséquent jamais été reconnue sans restrictions » (p. 63).

Ici, comme en bien d’autres passages, Kelsen fournit donc un effort de justification de la punition des criminels de guerre. Ce n’est pas le moindre apport de l’ouvrage recensé que de montrer que Kelsen n’était pas un monstre froid insensible à tout ce qui sortait d’une certaine « pureté » dans l’analyse du droit. Il n’hésite pas à défendre des thèses politiques ou morales, « registre […] dans lequel le fait de s’appeler Hans Kelsen n’interdit pas de s’inscrire ». Simplement, il fait en sorte de toujours distinguer les deux plans, et de ne pas présenter ses préférences comme étant dictées par le droit positif. Cette honnêteté ne caractérise pas ceux qui, afin de défendre les Nazis, iront piocher quelques citations chez Kelsen afin de l’enrôler dans leur cause. Lui qui démontrait la possibilité juridique de la rétroactivité et sa justification morale sera présenté par Jahrreiss comme un partisan de son interdiction absolue. En dépit de ces manœuvres, les réflexions de Kelsen sur la question ont « largement façonné l’un des grands débats juridiques du vingtième siècle, le procès de Nuremberg ». Leur parution en français est donc une excellente nouvelle.

 

Thomas Hochmann
Professeur de droit public. Université de Reims Champagne-Ardenne.