ornement

« Métamorphoses du (sujet de) droit » - appel ouvert jusqu'au 10 février 2025

Appel à contributions

En 1909, René Demogue publiait dans la Revue trimestrielle de droit civil un article pionnier, sur « La notion de sujet de droit », où il envisageait déjà, et défendait, la possibilité de reconnaître des droits à « l’humanité future », ainsi qu’aux animaux (« La notion de sujet de droit », RTDciv, 1909, p. 611 et suiv.). N’ayant alors reçue que peu d’échos, cette analyse est tombée dans un relatif oubli et ce n’est qu’à la fin du xxe siècle que juristes et philosophes reprennent à nouveaux frais la question des contours du sujet de droit et de son application dans des domaines qui supportent mal l’opposition, encore dominante, entre personnes physiques et personnes morales. Ainsi, en 1989 paraissait, aux Archives de philosophie du droit, un numéro intitulé « Le sujet de droit » (Archives de philosophie du droit, no 34, 1989). Des auteurs aussi prestigieux que, notamment, Bernard Bourgeois, Jean Carbonnier, Ottfried Höffe ou François Terré se penchaient alors sur la figure du sujet de droit hégélien, les contours du « non-sujet de droit », la possibilité de penser une responsabilité mutuelle et une éthique fondamentale à partir du concept de sujet de droit, ou encore sur les rapports entre sujet de droit et génétique.

Or, depuis les quelques trente-cinq années qui nous séparent de cette livraison, la définition comme les contours du sujet de droit paraissent avoir connu des transformations substantielles et des êtres nouveaux semblent avoir fait leur apparition dans le monde du droit. Des entités non humaines aux générations futures en passant par une – au moins – apparente reconfiguration juridique de la considération de la personne humaine, de nouvelles figures et de nouveaux protagonistes semblent avoir proliféré sur la scène juridique et cette prolifération paraît emporter une détermination nouvelle – ou modifiée – du droit comme de ses frontières. À prendre les choses dans l’autre sens, il pourrait encore sembler que certaines des modifications récentes du droit positif conduiraient aussi bien à faire advenir de nouvelles figures du sujet de droit ou, en tout cas, infléchiraient très sensiblement l'entente du sujet de droit telle qu'elle se constitue avec la construction du droit moderne, en liaison avec l’avènement de l’État moderne, puis des droits de l’homme, ceux-ci étant d’abord indissolublement liés aux droits du citoyen et, plus généralement, à une conception anthropocentrique de l’idée même de droit subjectif et, par extension, de sujet de droit.

Transformations du droit, transformations du sujet de droit : face à ces modifications au moins apparentes, un pas de côté permettant l’enquête et la clarification conceptuelle semble requis et telle est l’entreprise à laquelle souhaite participer la revue Droit & Philosophie par la préparation d’un volume intitulé « Métamorphoses du (sujet de) droit », en vue duquel elle lance un appel à contributions.

Ce volume a l’ambition d’examiner les contours et les effets sur le droit de ces nouvelles figures du sujet de droit que, notamment, le droit de l’environnement, le droit animalier ou, plus largement, les enjeux soulevés par la notion de justice climatique font advenir et entrer tant dans le contentieux civil que constitutionnel ou européen. Si les publications en la matière se sont multipliées ces dernières années, un travail de clarification conceptuelle n’en semble pas moins de mise, auquel cette livraison de Droit & Philosophie voudrait participer.

D’un point de vue historique ou généalogique, il s’agira, possiblement en (re)traçant l’avènement et les déterminations spécifiques du sujet de droit (moderne), de mesurer si ces figures du sujet de droit sont si nouvelles que cela, ainsi que d’évaluer s’il est toujours possible – et pertinent – d’associer, voire de tenir pour synonymes, les notions de sujet de droit, de personnalité juridique et de (la capacité d’être) titulaire de droits, à l’instar de la conception qui paraît encore largement animer la pratique et la pensée juridiques. De quelle(s) détermination(s) juridique(s) ces nouvelles « entités » répondent-elles ? Quelles sont les techniques juridiques de leur usage et de leur mobilisation ?

Le volume s’attachera aussi à examiner et éprouver les nouvelles perspectives sur les droits subjectifs qu’ouvrent ces inflexions de la détermination du sujet de droit apparemment charriées par l’extension son champ. Quid, notamment, de la revendication de droits comme de l’usage de la notion de responsabilité dans ce nouveau contexte : les modifications du sujet de droit appellent-elles à penser de nouveaux types d'imputation ? Corrélativement, quelles sont les nouvelles exclusions et les figures de la privation du statut de sujet du droit impliquées par cette possible nouvelle définition du sujet de droits ? Assiste-t-on à un nouveau découpage du domaine du droit suscitant le déplacement des zones de non-droit ici entendues comme ces zones qui excluent l’idée de subjectivité juridique ? Dans la même perspective, sont particulièrement bienvenues des analyses qui réexaminent, ou proposent de dépasser, le lien traditionnellement établi entre sujet de droit et capacité d’être titulaire de droits, ainsi que l’opposition, s’agissant de la justification de l’attribution de droits subjectifs, entre théories de la volonté et théories de l’intérêt.

Enfin, quant aux effets de ces transformations du sujet de droit le droit lui-même, doit-on parler, comme le font certains, d’un processus de subjectivation du droit lui-même ? Ou bien le phénomène devrait-il être compris et décrit d’une autre manière, comme mélange ou créolisation du droit concomitants à l’extension de plus en plus grande des concepts occidentaux – et modernes – du droit, et à l’importation de ceux-ci dans des élaborations du droit qui leur sont d’abord sensiblement différentes ?

Selon ces différents axes – dont la liste, non exhaustive, est indicative – et conformément à la ligne éditoriale propre à la revue Droit & Philosophie, l’ambition de ce volume est de faire dialoguer les perspectives de juristes et de philosophes, ainsi que de la culture juridique et de la philosophie du droit : seront ainsi examinées avec intérêt aussi bien des propositions de philosophes, de juristes ou d’historiens du droit.

Format et modalités d’envoi des propositions

Les résumés de propositions de contribution, en français ou en anglais, devront être envoyés à l’adresse de la revue : droitphilosophie@gmail.com jusqu’au 10 février 2025 (inclus). Leur taille ne devra pas excéder 6000 signes (espaces comprises).
Ils seront accompagnés d’une bibliographie.
En vue de leur anonymisation pour l’évaluation par deux rapporteurs selon le principe du double anonymat, les fichiers devront être envoyés dans un format modifiable (.doc, .docx, .odt).

 

Calendrier

Date de clôture de l’appel : lundi 10 février 2025.
Les notifications d’acceptation ou de refus seront données d’ici le
10 mars 2025.
Les contributions complètes et définitives seront à remettre d’ici le
lundi 23 juin 2025.
La publication numérique interviendra en
novembre 2025 et la publication papier chez Dalloz est prévue en février 2026.

 

Télécharger en PDF